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XLVI.



Quand le grand œil du Ciel tournoyant l’Orison
Se darde au Capricorne où sa chaleur passee,
Se retirant de nous rend la Terre glacee,
Et nous fait ressentir l’hyvernale saison.
 
L’air lui voyant ravir l’amoureuse toison,
De mille & mille fleurs dont elle est tapissee,
En pleure, & tout despit d’une humeur amassee,
Voelle son chef doré d’un autre chef grison.
 
Si donc l’Air & le Ciel lamentent la verdure,
Si l’animal absent pour sa compagne endure,
Pourquoi ne pourrons nous user de même Loy ?
 
Nous qui avons du Ciel la premiere origine,
Qui portons la raison enclose en la poictrine,
Et qui sommes portraits d’un qui tient tout en soy ?


XLVII.



Lors que le clair Soleil tire son chef des eaux,
Pour esclorre un printemps, la Terre se fait belle,
Et l'air se rechauffant d'un feu qui renouvelle,
Espoinct mesme les cueurs des plus fiers animaux.

Mais quand l'air dans son sein roullant mille nuaux,
Espaissis de l'humeur qui dans eux s'emmoucelle,
S'oppose & nous ravit sa lumiere immortelle :
Alors tout se rend triste & se plaint de ses maux.

Ainsi vostre bel oeil qui le Soleil esgalle,
Attirant par mes yeux mon ame qui s'exalle,
Rend mes jours bien-heureux, & fait croistre mon feu.

Mais s'eslongnant de moy une nuict triste & sombre,
M'entourneroient le chef si mon feu peu à peu,
En forceant l'espaisseur ne triumphoit de l'ombre.