Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/174

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Après avoir peint un saint François[1], à Ganghereto, localité au-dessus de Terra nuova, dans le Val d’Arno, il s’appliqua, ayant un esprit élevé, à la sculpture avec tant d’ardeur qu’il y réussit infiniment plus qu’en peinture. Car, bien que ses premières œuvres soient encore traitées à la grecque, comme on peut le voir dans le groupe de quatre statues en bois, représentant une Déposition de Croix, dans l’église paroissiale, et d’autres figures, en ronde bosse, dans la chapelle de San Francesco[2], sur les fonts baptismaux, il adopta un meilleur style, après qu’il eût vu à Florence les œuvres d’Arnolfo et des plus fameux sculpteurs de cette époque. De retour à Arezzo, l’an 1275, avec le pape Grégoire, qui, ramenant la cour pontificale d’Avignon à Rome, passa par Florence, il eut l’occasion de se faire mieux connaître. Ce pape, étant mort à Arezzo, avait laissé 30.000 écus à la commune pour terminer l’évêché commencé par Maestro Lapo et dont la construction n’avançait pas. Les Arétins, en sa mémoire, après avoir construit dans l’évêché la chapelle de San Gregorio, dont plus tard Margaritone fit le tableau d’autel[3], chargèrent celui-ci de lui élever un tombeau de marbre dans l’évêché[4]. L’ayant entrepris, il l’amena à bonne fin, y ayant représenté le pape au naturel, en sculpture et en peinture[5], en sorte qu’on l’estima être la meilleure œuvre qu’il eût faite jusqu’alors. Ayant reçu ensuite la direction de la construction, il l’avança beaucoup, suivant le dessin de Lapo, mais il ne put la mener à fin, les deniers laissés par le pape Grégoire X ayant été dépensés dans la guerre qui survint, l’an 1289, entre les Florentins et les Arétins.

Comme on peut le voir dans ses œuvres, quant à la peinture, Margaritone fut le premier qui chercha ce qu’il y avait à faire, quand on peint sur des panneaux de bois, pour qu’ils tiennent bien dans les joints, et qu’ils ne se fendent ni ne se fissurent une fois peints[6]. Il étendait une toile de lin sur toute l’étendue du panneau, l’y attachait avec une forte colle composée de rognures de parchemin et bouillie au feu, puis il la couvrait entièrement de plâtre. Il travailla aussi avec du plâtre délayé dans cette colle et modela des garnitures, des diadèmes et d’autres ornements. Il trouva de même le mode d’emploi du bol d’Arménie, l’application de l’or en feuilles et son brunissage. Tous ces

  1. Existe encore dans l’église San Francesco.
  2. Toutes ces sculptures sont perdues.
  3. La chapelle ni le tableau n’existent plus.
  4. L’attribution de ce tombeau qui est toujours en place est incertaine.
  5. Cette dernière n’existe plus.
  6. Ces procédés étaient employés bien avant lui. Comme exemple, il y a au musée de Sienne, un tableau ainsi préparé, qui porte la date de 1215.