Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/180

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elle lui recommande le silence, un doigt sur les lèvres et les yeux fixés sur Jésus-Christ qui verse du sang par la plaie du côté. En compagnie de l’Obéissance se tiennent la Prudence et l’Humilité, pour montrer que là où il y a vraiment Obéissance se trouvent toujours l’Humilité et la Prudence, qui font réussir toute chose. Le deuxième compartiment est consacré à la Chasteté qui se tient dans une solide forteresse et ne se laisse pas séduire par les royaumes, les couronnes et les palmes qui lui sont présentés. À ses pieds, se voit la Pureté lavant des personnes nues et la Force qui amène des gens pour se baigner et se purifier ; à côté de la Chasteté la Pénitence chasse l’Amour ailé avec une discipline et fait fuir l’Impudicité. Dans le troisième compartiment, on voit la Pauvreté qui marche pieds nus sur des épines et poursuivie par un chien qui aboie et deux enfants, dont l’un lui jette des pierres, tandis que l’autre relève avec un bâton des ronces, de manière à lui piquer les jambes. C’est son mariage avec saint François que Jésus-Christ tient par la main, en présence de l’Espérance et de la Charité. Le dernier compartiment est consacré non sans mystère à la glorification de saint François, vêtu de la tunique blanche de diacre[1] et triomphant dans le ciel, au milieu d’une multitude d’anges qui forment un chœur et tiennent un étendard orné d’une croix et de sept étoiles ; tout en haut est le Saint-Esprit. Chacun de ces compartiments renferme des inscriptions latines qui expliquent les sujets.

Outre les peintures de la voûte, il y a celles du pourtour qu’il exécuta avec tant de perfection qu’elles se sont conservées jusqu’à nos jours dans toute leur fraîcheur. On y voit son propre portrait très bien fait, et, sur la porte de la sacristie, toujours à fresque, de sa main, un saint François recevant les stigmates, et respirant tellement l’amour divin que c’est pour moi la meilleure des peintures que Giotto fit en cet endroit[2], et qui sont toutes vraiment belles et dignes d’être louées.

Ce dernier ouvrage terminé, il revint à Florence, où il peignit, pour être envoyé à Pise, un tableau représentant saint François dans l’horrible paysage de la Vernia[3], et, outre le paysage plein d’arbres et de rochers, chose nouvelle alors, on voit dans l’attitude de saint François, à genoux, recevant les stigmates, un ardent désir de les recevoir, et l’amour infini avec lequel il regarde Jésus-Christ qui, dans les airs, environné de séraphins, les lui imprime, avec une expression si vive qu’il est impossible d’imaginer quelque chose de mieux. Au-dessous, sur la

  1. Saint François, en effet, voulut toujours rester diacre.
  2. Peinture restituée à Pietro Lorenzetti.
  3. Actuellement au Musée du Louvre, signé OPUS JOCTI FLORENTINI.