Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/181

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prédelle, sont trois histoires de la vie du saint, fort belles. Ce tableau, que l’on conserve aujourd’hui avec la vénération due à la mémoire d’un si grand homme, à San Francesco de Pise, sur un pilastre, à côté du maître-autel, fut cause que les Pisans chargèrent Giotto de peindre une partie de la paroi intérieure du Campo Santo, dont la construction venait d’être terminée, sur les dessins de Giovanni, fils de Niccola Pisano[1]. Comme l’extérieur de ce beau monument était tout recouvert de marbre et d’ornements sculptés très coûteux, que le toit de plomb était posé, et que l’intérieur était rempli de sarcophages et de tombeaux antiques, apportés dans la ville de diverses parties du monde, leur désir était que les longues parois intérieures fussent couvertes de nobles peintures. Giotto, s’étant donc rendu à Pise, peignit dans un des coins six grandes fresques représentant les misères et la patience de Job[2]. Comme il s’aperçut que la paroi de marbre, sur laquelle il avait à travailler, était tournée du côté de la mer, et que tous ces marbres saligni, exposés au sirocco, sont toujours humides et jettent une certaine salure, fréquente sur les bâtisses de Pise, qui, par suite, éteint et mange les couleurs, il fit faire, pour donner à son œuvre la plus longue durée possible, sur toute la longueur du mur qu’il voulait recouvrir de fresques, un enduit ou plutôt une incrustation composée de chaux, de plâtre et de brique pilée. Grâce à ce moyen, ces fresques seraient actuellement en bien meilleur état, si l’incurie de ceux qui devaient veiller à leur conservation ne les avait laissé attaquer par l’humidité[3]. Elles sont donc gâtées en divers endroits, les chairs ont poussé au noir et l’enduit est tombé par écailles, d’autant plus que le plâtre mélangé à la chaux a le défaut de se couvrir de moisissures et de s’altérer avec le temps, ruinant ainsi les couleurs, alors que l’on croit au début qu’il a bien pris. Dans ces fresques, outre le portrait de Messer-Farinata degli Uberti, il y a plusieurs belles figures et surtout certains paysans qui, apportant de mauvaises nouvelles à Job, ne pourraient pas mieux exprimer la douleur qu’ils éprouvent de la perte des troupeaux et des autres calamités qui assaillent leur maître. Aussi remarquable est un serviteur qui, d’une main, chasse avec un éventail les mouches attachées aux plaies de son maître, abandonné de tous ses amis, tandis que de l’autre main il se

  1. Le Campo Santo fut terminé en 1283.
  2. Ces fresques que Vasari, dans sa première édition, attribuait à Taddeo Caddi, ont été restituées à Francesco da Volterra, qui les commença en 1371. Il n’en reste plus que deux qui ont été restaurées en 1625 par Stefano Maruscelli.
  3. Pendant un certain temps, les arcades du Campo Santo furent fermées par des vitraux dont on remarque encore maintenant les trous de scellement.