Stefano, peintre florentin et disciple de Giotto [1], excella dans
son art, au point qu’il surpassa non seulement tous ceux qui s’étaient
adonnés avant lui à la peinture, mais encore son propre maître, et
mérita d’être regardé comme le plus habile de tous les peintres qui
avaient vécu jusqu’alors comme le montrent ouvertement ses œuvres.
Il peignit à fresque, dans le Campo Santo de Pise, une Vierge qui est
quelque peu supérieure par le coloris et le dessin aux œuvres de Giotto
dans le même endroit [2]. À Florence, dans le cloître de Santo Spirito,
trois arceaux sont de sa main [3]. Dans le premier, où se trouve
représentée la Transfiguration du Christ entre Moïse et Élie, voulant
montrer quelle devait être la lumière qui éblouit les trois disciples, il
les figura avec des attitudes extrêmement belles, et des draperies telles
qu’elles laissassent deviner le nu, ce qui ne s’était pas encore fait,
même par Giotto. Sous l’arceau qui représente le Christ délivrant une
femme possédée du démon, il traça un édifice en perspective, science
alors peu connue ou peu pratiquée. En opérant à la moderne dans
cette œuvre, et avec un excellent jugement, il montra tant d’art et
d’invention ainsi que de si belles proportions dans les colonnes, les
portes, les fenêtres et les corniches, en un mot, il fit preuve d’une
manière de faire si différente de celle des autres maîtres qu’il paraît
avoir eu une certaine notion de la perfection qui distingue le bon style
moderne. Il imagina, entre autres choses ingénieuses, un escalier très
difficile dont le genre, soit en peinture, soit en construction, a tant
de commodité et de beauté, que Laurent le Magnifique de Médicis
s’en servit pour exécuter les escaliers extérieurs [4] du palais de Poggio
à Caiano. Dans le troisième arceau, il représenta le Christ sauvant
saint Pierre de la fureur des eaux ; cette peinture était jugée plus belle
que les autres, mais le temps l’a détruite en partie.
Il peignit ensuite, dans le premier cloître de Santa Maria Novella,
- ↑ Petit-fils de Giotto par sa mère Caterina, femme du peintre Ricco di Lapo (d'après Baldinucci). Stefano n'est pas porté sur le matricule des Médecins et Pharmaciens à laquelle s'inscrivaient les peintres, et dont nous avons le rôle de 1290 à 1443.
- ↑ Existe encore, fortement restaurée ; peinture restituée à Simone Martini.
- ↑ Ces fresques, attribuées aussi à Giottino, n'existent plus.
- ↑ Construits par Giulano da San Gallo.