Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/260

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la mort de saint Philippe et de saint Jacques[1], à qui la chapelle est dédiée. Quant au tableau de cette chapelle[2], comme il avait hâte de retourner à Arezzo, sa patrie, ou plutôt qu’il considérait comme sa patrie, il le peignit à Arezzo et l’envoya terminé à Florence l’an 1400. De retour à Arezzo, à l’âge de 77 ans ou plus, il fut accueilli avec amour par ses parents et ses amis, et se vit honoré jusqu’à la fin de ses jours. Grâce aux richesses qu’il avait amassées, il aurait pu se livrer au repos, étant déjà vieux, mais comme il ne pouvait rester à ne rien faire, en homme qui avait toujours eu le goût du travail, il entreprit pour la Compagnie de Sant’Agnolo de représenter l’histoire de saint Michel. Il esquissa en rouge tous ses sujets, sur l’enduit du mur, selon la coutume des anciens maîtres, et en peignit un entièrement dans un coin, en guise d’essai. Etant ensuite convenu du prix avec l’administrateur de l’œuvre, il termina toute la paroi du maître-autel, sur laquelle il représenta la chute de Lucifer et des autres anges rebelles changés en démons[3]. Dans le haut, saint Michel combat avec l’ancien serpent à sept têtes et à dix cornes ; dans le bas, Lucifer est déjà transformé en un monstre repoussant. On rapporte (telle est quelquefois la force de l’imagination) que Spinello se plut à le représenter si horrible et si contrefait que le diable lui apparut en songe sous cette forme et lui demanda où il l’avait vu, pour le peindre sous un aspect aussi ignominieux. Spinello s’éveilla tellement épouvanté que la peur l’empêcha de crier et qu’il se mit à trembler au point que ses mouvements éveillèrent sa femme couchée à ses côtés. Peu s’en fallut que son cœur cessât de battre et qu’il mourut de cette terreur ; mais il en resta l’imagination frappée et les yeux hagards, en sorte que, peu de temps après, il mourut[4], au grand chagrin de ses amis. Il laissa deux fils dont l’un, Forzore[5], orfèvre à Florence, travailla admirablement le nielle, et l’autre, Parri[6], suivit la carrière de son père et le surpassa de beaucoup dans le dessin. Il mourut à l’âge de 92 ans et fut enterré à Sant’Agostino[7], où l’on voit encore sa pierre tombale[8] ornée d’un lion à la queue épineuse qu’il avait adopté

  1. Ces peintures n’existent plus.
  2. Tableau perdu.
  3. Existe encore.
  4. D’après le livre des morts de la Confraternità d’Arezzo, Spinello mourut le 14 mars 1410.
  5. Erreur, fils de Niccolo, frère de Spinello.
  6. Né en 1387.
  7. Erreur, dans l’église di Morello.
  8. N’existe plus.