Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/313

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les couleurs, et d’autres fois coulait en bronze de petites figures qu’il terminait avec beaucoup de grâce. Il se plaisait aussi à imiter les médailles antiques et représentait au naturel beaucoup de ses amis. Pendant qu’il travaillait ainsi auprès de Bartoluccio, et qu’il cherchait à gagner sa vie, la peste survint à Florence l’an 1400, ainsi qu’il le raconte lui-même dans un manuscrit[1] écrit de sa main, où il parle des choses de l’art, et qui appartient actuellement à Messer Cosimo Bartoli, gentilhomme florentin. À ce fléau se joignirent les discordes civiles, qui l’obligèrent à s’éloigner et à aller en Romagne, en compagnie d’un autre peintre. À Rimini, ils peignirent une chambre et d’autres œuvres pour le seigneur Pandolfo Malatesta, qui, quoique jeune, aimait les arts du dessin. Lorenzo ne cessa pas, pour cela, d’étudier le dessin et de modeler en cire, en stuc, sachant bien que le modelage est indispensable aux sculpteurs, dont il est, en quelque sorte, le dessin, et sans lequel ils ne peuvent rien mener à bien. Il avait quitté sa patrie depuis peu de temps, lorsque la peste cessa. Comme, à cette époque, la sculpture comptait des maîtres excellents, tant étrangers que florentins, la Seigneurie de Florence et l’Art des Marchands résolurent[2] de mettre à exécution ce qui avait déjà été projeté souvent, c’est-à-dire de faire exécuter les deux portes en bronze qui manquaient au temple de San Giovanni, le plus ancien et le plus populaire de tous ceux de la cité. Ayant donc décidé de faire savoir à tous les maîtres que l’on considérait comme les meilleurs d’ItaUe qu’un concours allait s’ouvrir à Florence, dont le sujet était un panneau en bronze semblable à ceux dont Andrea Pisano avait composé la première porte, il fut donné avis de cette délibération, par Bartoluccio, à Lorenzo, qui travaillait alors à Pesaro. Il l’engageait à revenir à Florence, donner une preuve de son savoir-faire, et il ajoutait que c’était une occasion favorable pour se faire connaître et déployer son génie, outre qu’il devait en retirer grand profit, et qu’ils ne seraient plus forcés désormais de peiner sur des bijoux. Ces paroles touchèrent si vivement Lorenzo, que rien ne put le retenir à la cour de Malatesta et, qu’ayant obtenu son congé, il revint heureusement dans sa patrie. Déjà une foule d’artistes étrangers s’étaient présentés aux Consuls de l’Art ; parmi tous, sept furent choisis, trois florentins, les autres toscans. On leur donna une provision et ils durent finir dans le délai d’un an un panneau de

  1. Actuellement à la Bibliothèque Magliabecchiana.
  2. En 1401.