Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/315

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confuse. Celui de Simone da Colle, remarquable par la pureté de la fonte (ce qui n’a rien d’étonnant, car il était fondeur) péehait par le dessin. Niccolo d’Arezzo avait fait preuve d’une grande connaissance du métier, mais ses figures étaient lourdes et mal réparées. Seul le modèle de Lorenzo, que l’on voit aujourd’hui dads la salle d’audience de l’Art des marchands[1], était parfait dans toutes ses parties. Le dessin et la composition étaient irréprochables, les figures sveltes, gracieuses et dans de très belles attitudes ; enfin toute l’œuvre était d’un tel fini qu’elle ne paraissait pas fondue et qu’on aurait dit qu’il l’avait réparée, non avec un instrument, mais en soufflant dessus. Donato et Filippo, voyant le soin que Lorenzo avait mis dans son œuvre, se retirèrent dans un coin et reconnurent entre eux que le travail devait lui èrre adjugé, dans l’intérêt général ; que Lorenzo, bien qu’encore jeune, puisqu’il avait vingt ans à peine, avait mieux réussi que les autres et que cette belle œuvre promettait davantage pour l’avenir. Ce serait plus faire œuvre d’envie, disaient-ils de lui enlever ce travail, qu’il n’est généreux de le lui faire obtenir. Lorenzo[2] commença donc la porte qui est voisine de l’Œuvre de San Giovanni et disposa un châssis de bois de la même dimension, chantourné et reproduisant les têtes qui sont aux angles de chaque panneau, ainsi que les autres détails de la bordure. Puis, quand son moule fut terminé et bien sec, il construisit un immense fourneau que je me rappelle avoir vu, dans un atelier qu’il avait acheté, vis-à-vis de Santa Maria Nuova, à l’endroit où est actuellement l’hôpital des Tisserands qu’on appelle l’Aia, et coula en métal son cadre ; mais par malheur la fonte ne réussit pas. Voyant alors le défaut et, sans perdre courage, à la suite de cet échec, il fit rapidement un nouveau moule, sans que personne s’en aperçût et recommença la fonte qui vint parfaitement. Il continua ainsi jusqu’à la fin, coulant chaque panneau successivement et le fixant à sa place, après l’avoir réparé. Sa porte, divisée en autant de panneaux que celle qu’Andréa Pisano fit sur le dessin de Giotto, renferme vingt sujets, tirés du Nouveau Testament, et huit figures des quatre Évangélistes et des quatre Docteurs de l’Église, à savoir, deux Évangélistes au bas de chaque battant, et les quatre docteurs de même, tous très bien réussis, et différents d’attitudes et de costumes, écrivant, lisant ou réfléchissant. La bordure, qui se recourbe autour de chaque panneau, est composée de feuillages de lierre et d’autres plantes entremêlées : à chaque angle se trouve un buste de prophète ou de sibylle, en relief

  1. Actuellement au Musée National, avec le modèle de Brunellesco.
  2. Chargé officiellement du travail le 22 novembre 1403.