Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/320

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réputation, et qu’il travaillait, en métal, en or ou en argent, pour une quantité de personnes, une grande cornaline tomba entre les mains de Giovanni, fils de Cosme l’Ancien de Médicis, sur laquelle était gravé, en creux, Apollon faisant écorcher Marsyas. Elle avait servi, dit-on, de cachet à l’empereur Néron, et comme c’était une pierre rare, tant pour son poids que pour l’extrême beauté de l’intaille, Giovanni la donna à Lorenzo pour qu’il y fît autour un ornement d’or ciselé. Lorenzo, après avoir peiné dessus plusieurs mois, le termina et fit une merveille de monture ciselée, non moins belle que l’intaille elle-même. Cette œuvre[1] lui attira la commande de quantité de travaux en or, pour le pape Martin, un bouton de chape[2], couvert de figures en relief, entre lesquelles il y avait des pierres fines d’un grand prix. Il en fut de même d’une mitre merveilleuse composée de feuilles d’or découpées, entre lesquelles il y avait de nombreuses figurines en ronde-bosse, toutes admirables ; outre la gloire, il en retira grand profit grâce à la libéralité du pape. L’an 1439, le pape Eugène vint à’Florence pour unir les Églises grecque et romaine et tenir, à cet effet, un concile. Ayant vu les œuvres de Lorenzo, dont la personne lui plut autant que ce qui sortait de ses mains il lui fit exécuter une mitre en or, du poids de quinze livres et couverte de cinq livres et demie de perles, qui étaient estimées 34.000 ducats d’or, avec les autres joyaux. On dit que sur cette mitre il y avait six perles, grosses comme des noisettes, et l’on ne saurait imaginer, sauf d’après le dessin qui en est resté, l’originalité des ornements et la variété des petites figures d’enfants et autres qui s’y trouvaient.

La gloire des œuvres admirables de cet artiste si plein de génie rejaillissait sur Florence, et les Consuls de l’Art des Marchands résolurent de confier à Lorenzo[3] l’exécution, en métal, de la troisième porte de San Giovanni. Comme il avait fait la première, en suivant leurs instructions et en y appliquant l’ornementation qui encadre les sujets et forme bordure à toute la porte, en similitude de la porte d’Andrea Pisano, les Consuls, voyant combien Lorenzo avait surpassé ce dernier, décidèrent d’enlever de l’entrée, vis-à-vis de la Miséricordia, et que Lorenzo en ferait une nouvelle pour l’entrée du milieu[4]. Pensant qu’il aurait à faire tout l’effort qui lui serait possible dans son art, ils s’en remirent complètement à lui et le laissèrent libre d’opérer

  1. Actuellement perdue. Les œuvres d’orfèvrerie de Ghiberti sont perdues.
  2. En 1419.
  3. Le 2 janvier 1425.
  4. Erreur ; voir plus loin.