Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/321

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comme bon lui semblerait pour arriver à créer une œuvre aussi riche, aussi parfaite qu’il saurait l’imaginer ; ils lui disaient de ne regarder ni au temps, ni à la dépense, en sorte qu’ayant surpassé tous les sculpteurs célèbres jusqu’alors, il laissât en arrière toutes ses œuvres antérieures.

Lorenzo se mit à l’œuvre, décidé à user de tout son savoir et il divisa sa porte en dix panneaux, cinq par battant, en sorte que chaque panneau était d’une brasse et un tiers. La bordure est composée de vingt niches contenant des figurines, presque en ronde-bosse, en tout vingt, toutes très belles. L’une d’elles est un Samson nu, embrassant une colonne et une mâchoire à la main ; elle présente toute la perfection que l’on rencontre dans les petits Hercules antiques de bronze ou de marbre. De même, Josué semble adresser une harangue à son armée ; d’autres figurines représentent des Prophètes et des Sibylles dont les draperies, l’ajustement et les coiffures sont d’une variété étonnante. En outre, douze figures[1] couchées dans les niches qui forment la bordure transversale des panneaux, et trente-quatre bustes[2] de femmes, de jeunes gens et de vieillards, placés aux points de croisement, dans de petits médaillons (parmi lesquels, en face de la signature de Lorenzo, au milieu de la porte, deux têtes, l’une vieille, l’autre jeune, sont le portrait de Bartoluccio et de Lorenzo lui-même), complètent l’ornementation avec une quantité de feuillages, de corniches et d’autres objets de tout genre. Les sujets qui sont représentés sur cette porte sont tirés du Vieux Testament. Dans le premier, il y a la création d’Adam et celle d’Ève, sa femme, qui sont parfaitement exécutées. On voit que Ghiberti a fait leurs membres aussi beaux qu’il a pu, voulant montrer que, de même que ceux qui sortirent de la main de Dieu furent les plus belles personnes qui aient jamais été faites, de même ces figures devaient être plus belles que toutes celles qu’il avait produites dans ses autres œuvres, considération certes très remarquable. Sur le même panneau, on voit Adam et Eve manger la pomme et tous deux être chassés du Paradis. Les attitudes de ces figures concordent avec le péché commis, car elles cachent leur nudité avec leurs mains, de même que l’on remarque leurs remords, quand l’Ange les fait sortir du Paradis.

Le deuxième panneau représente Adam et Eve, avec Caïn et Abel, leurs enfants encore petits, puis Abel faisant l’offrande des prémisses et

  1. Il n’y en a que quatre ; deux en haut, deux en bas.
  2. En réalité vingt-quatre.