Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/335

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qui la termina, Michel-Ange, Raphael d’Urbin, Léonard de Vinci et quantité d’autres, Florentins et étrangers, que nous passons sous silence, pour dire, en un mot, que tous ceux qui ont voulu apprendre les règles et les principes de l’art sont allés les chercher dans cette chapelle, auprès des peintures de Masaccio. Beaucoup de gens croient fermement qu’il aurait encore produit de plus grandes merveilles, si la mort, qui le frappa à l’âge de 26 ans, ne l’avait ravi trop tôt. Est-ce l’envie, ou bien les belles choses durent-elles communément peu, il mourut ainsi à la fleur et si subitement qu’il ne manqua pas de gens qui pensèrent que le poison y avait contribué plus qu’autre chose.

On dit qu’en apprenant sa mort, Filippo Brunelleschi s’écria : « Nous avons fait une perte immense en Masaccio ! », et ressentit une profonde douleur, d’autant plus qu’il s’était appliqué longtemps à lui enseigner quantité de problèmes de perspective et d’architecture. Il fut enterré dans l’église del Carmine[1], l’an 1443, et comme, pendant Sa vie, ses concitoyens l’avaient peu apprécié, on ne prit pas soin de rappeler sa mémoire par quelque inscription sur son tombeau.



 

Filippo BRUNELLESCHI
Sculpteur et architecte florentin, né en 1377, mort en 1446

La nature crée parfois des hommes petits de leur personne et de peu d’apparence, mais qui ont l’âme pleine de tant de grandeur et un si terrible courage, que s’ils n’entreprennent pas des choses difficiles et presque impossibles et s’ils ne les terminent pas, au grand étonnement de ceux qui les voient, leur vie ne peut jamais connaître le repos. Les choses que l’occasion leur met entre les mains, si viles et si mesquines qu’elles soient, ils les font devenir grandes et précieuses. Aussi ne devrions-nous jamais faire la grimace, quand nous rencontrons une personne, occupée à une œuvre quelconque et dont la figure n’offre pas la grâce et la beauté que la nature aurait dû lui donner ; l’or pur ne se trouve-t-il pas caché sous des mottes de terre ? Nous avons vu Filippo di Ser Brunellesco, disgracieux de sa personne autant que Giotto, mais doué d’un génie si élevé qu’on peut dire qu’il fut envoyé par le ciel pour donner une nouvelle forme à l’architecture dévoyée depuis des centaines d’années. Beaucoup de personnes

  1. Peu probable, car il mourut à Rome, en 1428, à l’âge de 27 ans.