Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/357

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Comme la mort ne lui laissa pas le temps de terminer la lanterne[1], il recommanda dans son testament de la faire exactement d’après son modèle, et les instructions qu’il laissait par écrit ; il affirmait que sans cela l’édifice tomberait en ruines, et que, la voûte étant construite en quart-point, il fallait la charger au sommet pour la rendre plus solide. Il ne put en voir la fin avant sa mort[2], mais la construction à ce moment atteignait quelques brasses de hauteur. Filippo eut soin de faire exécuter presque tous les marbres qui devaient y entrer, à la vue desquels le peuple restait stupéfait, ne comprenant pas qu’il fût possible de charger la voûte d’un tel poids. De fait, l’opinion de quantité de bons esprits était qu’elle ne pourrait jamais tenir ; il leur paraissait un grand bonheur qu’il eût pu l’amener jusque-là, et que c’était tenter Dieu de la charger à ce point. Mais Filippo en riait, et ayant préparé toutes les machines et pris toutes les mesures qu’il fallait pour construire la lanterne, il ne perdit pas de temps pour prévoir et préparer tous les détails, pour parer à toutes les éventualités, jusqu’à éviter que les marbres fussent écornés en les tirant en l’air, et à faire maçonner les arcs des ouvertures sur des cintres de bois. Quant au reste, comme on l’a déjà dit, il laissa des modèles et des instructions.

Pour juger de la beauté de cette œuvre, il suffit de la regarder. Du sol de l’église jusqu’à l’œil de la lanterne, on compte cent cinquante-quatre brasses ; la lanterne a trente-six brasses de hauteur, la boule de cuivre[3] quatre brasses ; et la croix huit brasses, ce qui donne en tout deux cent soixante-deux brasses. On peut affirmer que jamais les anciens n’ont construit d’édifice aussi élevé et aussi risqué ; cette coupole paraît combattre avec le ciel, et elle monte à une si grande hauteur, que les montagnes qui environnent Florence paraissent semblables à elle. Et en vérité le ciel semble, lui aussi, lui porter envie, car la foudre ne cesse de la frapper.

Tout en s’occupant de ces travaux, Filippo donna ses soins à de nombreuses constructions que nous allons passer en revue. Il de sa propre main le beau modèle du chapitre de Santa Croce, à Florence, pour la famille des Pazzi, et celui du palais des Busini[4], assez vaste pour loger deux familles. On lui doit également le modèle du palais

  1. La première pierre en fut placée en 1445, la dernière en 1461.
  2. La coupole fut découverte en 1436.
  3. Placée par Verrochio, vingt-trois ans après la mort de Filippo. Jetée à terre en 1601 par la foudre, elle fut remplacée par une plus grande.
  4. Aujourd’hui palais Quaratesi, place d’Ognissanti.