Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/395

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que ces petites figures. Il peignit pareillement le tableau du maître-autel[1] à San Domenico di Fiesole, qui, sous prétexte qu’il semblait se détériorer, a été retouché par d’autres artistes et gâté[2]. La prédelle et le tabernacle du Saint Sacrement se sont mieux conservés[3], et les innombrables petits personnages qui apparaissent dans une gloire céleste sont si beaux et semblent si bien des hôtes du paradis que l’on ne peut se rassasier de les regarder. Dans une chapelle de la même église, il y a une Annonciation[4] de sa main, peinte sur bois ; le profil de l’ange Gabriel est si délicat et si divin qu’il ne paraît vraiment pas être une couvre humaine, mais sortir du paradis. Dans le fond du paysage, on aperçoit Adam et Eve, causes premières de l’Incarnation du Rédempteur. La prédelle représente plusieurs petits sujets fort beaux. Mais, sur toutes choses qu’il peignit, Fra Giovanni se surpassa lui-même et il montra toute son intelligence de l’art dans un tableau qui est dans la même église, à gauche de la porte d’entrée, et qui représente Jésus-Christ couronnant la Vierge[5], au milieu d’un chœur d’anges ; au-dessous, une multitude de saints et de saintes, en si grand nombre, avec des attitudes et des airs de fête si variés, que l’on éprouve un plaisir et une douceur incroyables à les regarder ; il semble que ces bienheureux esprits ne pourraient être autrement dans le ciel, ou, pour mieux dire, s’ils avaient un corps, ils ne pourraient être autrement. Car, non seulement les saints et les saintes de ce tableau sont pleins de vie, avec des figures douces et délicates, mais encore le coloris de toute l’œuvre paraît avoir été fait par un saint ou un ange sorti de leurs rangs. Aussi est-ce avec raison que ce bon religieux fut toujours appelé Frate Giovanni Angelico. Les scènes représentées sur la prédelle, empruntées à la vie de la Vierge et à celle de saint Dominique, sont, en leur genre, divines. Je déclare en toute sincérité que je ne vois jamais ce tableau sans le trouver toujours nouveau, et ce n’est jamais sans peine que je m’en éloigne.

À Florence, dans la chapelle della Nunziata, que fit construire Pierre, fils de Cosme de Médicis, Fra Giovanni peignit les volets[6] de l’armoire où l’on renferme les vases d’argent, et y représenta des figures en petites dimensions remarquablement exécutées. Ce Père exécuta

  1. Existe encore, en place.
  2. En 1501, par Lorenzo di Credi.
  3. Ni l’un ni l’autre n’existent plus.
  4. Ce tableau fut acheté en 1611 par le duc Farnèse et envoyé en Espagne. Actuellement au Musée de Madrid.
  5. Au Musée du Louvre depuis 1812.
  6. Trente-cinq petits panneaux représentant la vie et la mort de Jésus-Christ plus un Jugement dernier ; actuellement à l’Académie des Beaux-Arts.