Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 01.djvu/413

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d’autres œuvres de peinture pour son maître qui le fit reconduire en toute sécurité à Naples, où il peignit pour le roi Alphonse, alors duc de Calabre, un tableau en détrempe dans la chapelle du château[1]. Il éprouva ensuite le désir de revenir à Florence, où il demeura plusieurs mois, et peignit pour le maître-autel des religieuses de Sant’Ambrogio un très beau tableau[2] qui lui valut l’intime amitié de Cosme de Médicis. Il fit encore un autre tableau[3] dans le chapitre de Santa Croce et une Nativité du Christ[4] qui fut placée dans la chapelle du palais Médicis. Pour la femme de Cosme il peignit un tableau représentant de même la Nativité du Christ et saint Jean-Baptiste[5], destiné à être placé dans l’ermitage des Camaldules : quelques petits sujets[6] qu’il peignit encore furent envoyés en don par Cosme au pape Eugène IV, Vénitien. Aussi Fra Filippo en retira-t-il une grande faveur auprès du pape.

On dit qu’il était si porté pour l’amour que, dès qu’il rencontrait une femme qui lui plaisait, il lui aurait donné tout son argent pour avoir ses faveurs et, s’il ne réussissait pas, il la peignait et cherchait ainsi à éteindre son ardeur. Cet appétit désordonné le possédait au point que, quand il en était saisi, il s’occupait peu ou point des travaux qu’il avait entrepris. Une fois entre autres, Cosme de Médicis, le faisant peindre dans son palais, l’enferma à clef afin qu’il n’allât pas perdre son temps au dehors. Filippo, s’étant tenu coi pendant deux jours, saisi de fureur amoureuse pour ne pas dire bestiale, prit un jour des ciseaux et découpa les draps de son lit en bandes qu’il attacha à la fenêtre et au moyen desquelles il put descendre dans la rue et se livrer pendant plusieurs jours à ses plaisirs. Cosme, ne le trouvant pas et l’ayant fait rechercher, parvint à le ramener au travail. Puis il lui donna toute liberté, regrettant de l’avoir enfermé et songeant à sa folie et au danger qui pouvait en résulter. Il n’eut plus recours qu’aux caresses pour le retenir et ainsi il fut bien mieux servi. Il disait, d’ailleurs, que les génies rares sont de formes célestes et qu’on ne doit pas les traiter comme des ânes de voitures.

Filippo peignit une Annonciation[7] pour l’église de Santa Maria Primerana, sur la place de Fiesole ; ce tableau est fini avec un soin extrême et la figure de l’ange est si belle qu’elle paraît une œuvre vrai-

  1. Ce tableau, dont le sujet est inconnu, fut peint à Florence en 1456.
  2. C’est le Couronnement de la Vierge, à l’Académie des Beaux-Arts. Commandé en 1484 et payé 1.200 livres en 1447.
  3. Une Vierge, à l’Académie des Beaux-Arts.
  4. Aux Offices, avec le dessin original.
  5. Ibid.
  6. Peintures inconnues.
  7. Au musée de Munich.