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cinquante ducats d’or, qui se trouve actuellement chez ses héritiers, à Venise.

De retour à Venise, où il fut accueilli avec joie par son frère et, pour ainsi dire, par toute la cité, la Seigneurie lui alloua une provision de 200 écus par an, qui lui fut payée le reste de sa vie. Il fit peu d’ouvrages, après son retour, et il n’était pas loin d’avoir quatrevingts ans quand il passa à une autre vie, l’an 1501[1]. Il fut honorablement enseveli par son frère à San Giovanni e Paolo.

Giovanni, privé de Gentile qu’il avait toujours tendrement aimé, continua, quoique très âgé, à produire de temps en temps quelque chose, passant ainsi le temps. Comme il s’était mis à faire des portraits, il fut cause que bientôt il n’y eut à Venise personne d’une condition un peu élevée qui ne se fit peindre par lui ou par quelque autre. De là vient que, dans toutes les maisons on voit des portraits. Quantité de gentilshommes possèdent les images de quatre générations d’aïeux, et les plus nobles bien davantage. Il fit pour Messer Bembo, avant qu’il allât résider auprès du pape Léon X, le portrait d’une femme que celui-ci aimait, si beau[2] qu’il mérita d’être célébré par Bembo dans ses vers comme Simone Martini l’avait été par Pétrarque. Entre autres œuvres, pour ne citer que les principales, il fit à Rimini, pour Sigismond Malatesta, un grand tableau[3] représentant une Pietà soutenue par deux enfants. Ce tableau est actuellement dans l’église San Francesco de cette ville. Il fit encore, entre autres portraits, celui de Bartolommeo d’Alviano, général des Vénitiens[4]. Giovanni eut de nombreux élèves, car il leur enseignait avec beaucoup d’amitié, entre autres Montagna[5], qui imita sa manière, ainsi que le témoignent les ouvrages qu’il laissa à Padoue et à Venise.

On dit que Giorgone de Castelfranco étudia également avec lui, pour les premiers principes de l’art. Finalement Giovanni étant parvenu à l’âge de quatre-vingt-dix ans, mourut de vieillesse laissant un nom que ses œuvres ont rendu immortel. Il fut honorablement enseveli dans la même église et dans le même tombeau où son frère Gentile avait été déposé.


 

  1. Le 23 février 1507 ; il fait son testament le 18 février 1607, et dit être sanus mente et intellectu, licet corpore languens.
  2. Peinture perdue.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Montagna de Padoue.