Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/115

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bafoué par le pape. Finalement, comme on écrivit à Piero Soderini de ne rien épargner pour convaincre Giuliano, parce que Sa Sainteté voulait terminer les fortifications de la Tour ronde, commencée par Nicolas V, et celles du Borgo et du Belvédère, Giuliano se laissa persuader par le gonfalonier, et alla à Rome où il fut bien accueilli par le pape, qui lui fit de riches dons, et l’emmena avec lui à Bologne, quand les Bentivogli en furent chassés. Dans cette ville, il persuada le pape de faire faire à Michel-Ange Buonarroti sa statue en bronze, comme nous le raconterons dans la vie de ce dernier. Giuliano suivit aussi le pape à la Mirandole, où il endura beaucoup de fatigues et d’incominodités. Lorsque cette ville fut prise, il revint à Rome avec la cour[1].

L’idée fixe de chasser les Français d’Italie n’étant pas encore sortie de la tête du pape, celui-ci essaya d’enlever le gouvernement de Florence des mains de Piero Soderini, qui était un grand obstacle à ses desseins. Comme il ne pensait plus à ses constructions, et qu’il était empêtré dans ses guerres, Giuliano lassé se décida à lui demander son congé, voyant que l’on travaillait seulement à Saint-Pierre, et encore très lentement. Le pape, tout en colère, lui ayant dit : « Crois-tu que je ne pourrai pas trouver des Giuliano da San Gallo ! » il répondit que du moins il n’en trouverait jamais un semblable pour la fidélité et le dévouement, tandis que lui saurait bien trouver des princes plus fidèles à leurs promesses que le pape ne l’avait été. Enfin Jules II, sans lui accorder son congé, lui dit seulement de lui en reparler une autre fois.

Pendant ce temps. Bramante avait amené à Rome Raphaël d’Urbin, et lui avait fait confier les peintures des chambres du palais pontificaL Giuliano, voyant que le pape se plaisait beaucoup à ces peintures, et qu’il désirait voir peinte de même la voûte de la chapelle Sixtine, lui conseilla d’en charger Michel-Ange, lui montrant qu’il avait déjà réussi dans la statue de bronze, à Bologne. Cet avis plut au pape, qui envoya aussitôt chercher Michel-Ange, et lui alloua les fresques de la Sixtine, dès qu’il fut arrivé à Rome.

Peu après. Giuliano étant retourné demander son congé au pape. Sa Sainteté, voyant sa détermination, voulut bien qu’il revînt à Florence avec ses bonnes grâces, et, après l’avoir béni, elle lui remit cinq cents écus dans une bourse de satin rouge, en lui disant d’aller se reposer chez lui, et qu’elle lui serait favorable en tout temps. Giuliano, lui

  1. En 1507, il est de retour à Florence, et il n’en part pour Rome qu’en 1512. La statue de bronze est de 1505, et la prise de la Mirandole de 1511. Vasari a donc fait une confusion de dates et d’événements.