Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/133

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d’épouvante ; ils veulent fuir, mais trébuchent et tombent avec leurscharges, saisis du subit effroi qui s’est levé parmi les gens d’Héliodore. On aperçoit, à part d’eux, le grand prêtre Onias, revêtu de son costume pontifical, qui, les mains jointes et les yeux tournés vers le ciel, prie avec ferveur, en compassion des infortunés que l’on dépouille, et joyeux ensuite du secours inespéré que le ciel lui envoie. Par un caprice heureux, Raphaël a placé sur les soubassements plusieurs figures qui se tiennent aux colonnes, dans des attitudes pleines d’aisance, pour contempler cette scène, et tout un peuple qui, avec une curiosité mêlée d’étonnement et de crainte, attend le résultat de l’événement. Sur la voûte, il représenta quatre sujets : Dieu apparaissant à Abraham et lui promettant la multiplication de sa race, le Sacrifice d’Isaac, l’Échelle de Jacob et le Buisson ardent de Moïse, dans lesquels on distingue autant de science, d’invention, de dessin et de grâce que dans les autres ouvrages exécutés par lui.

Pendant qu’il créait avec bonheur tant de merveilles, le sort jaloux trancha les jours de Jules II[1], qui avait si libéralement encouragé son génie et qui était amateur de toute belle chose. Léon X fut élu pape[2], et voulut que l’œuvre suivît son cours. Raphaël se crut porté au ciel, heureux de rencontrer un si grand prince, chez qui l’amour de l’art était héréditaire, et qui lui accorda toute sa faveur. Aussi Raphaël prit à cœur de continuer son œuvre. Sur l’autre paroi, il représenta la marche d’Attila sur Rome, et sa rencontre au pied du Monte Mario avec le pape Léon III, qui, par ses seules exhortations, le força à rebrousser chemin[3]. Il y figura saint Pierre et saint Paul dans les airs, l’épée à la main, et volant au secours de l’Église. Bien que l’histoire de Léon III ne rapporte pas ce fait, Raphaël l’introduisit dans sa composition, comme une fiction permise aux poètes et aux peintres, comme ornement et ne s’écartant pas de l’intention première de son œuvre. On voit dans les Apôtres cette fierté et cette hardiesse céleste que la divine volonté imprime à la face de ses serviteurs pour défendre la sainte religion. Attila en est impressionné ; monté sur un cheval noir à balzanes, et marqué d’une étoile au front, aussi beau qu’il soit possible, il lève la tête dans une attitude épouvantée et se tourne pour prendre la fuite. À côté sont d’autres chevaux très beaux, un genêt surtout, tacheté et monté par un cavalier couvert d’écaillés

  1. Mort le 20 février 1513.
  2. Le 11 mais 1513.
  3. Erreur de Vasari ; lire saint Léon Ier. Cette rencontre eut lieu dans le pays mantouan, près du Mincio.