Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/151

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blancs dans les premières figures et les teintes obscures dans celles qui s’enfoncent de plus en plus dans le lointain. Ses figures se détachent du paysage et des édifices, aussi bien que si elles étaient peintes sur un tableau, ou plutôt si elles étaient en relief. Il eut de l’invention et de la variété dans ses compositions, qui sont riches et bien ordonnées, évitant adroitement les difficultés qui proviennent de la fragmentation du verre, ce qui paraissait, comme c’est la vérité, extrêmement difficile à ceux qui n’avaient pas sa grande pratique ni son habileté. Il dessinait ses peintures avec tant de soin que les enchâssures de plomb ou de fer venaient toujours se dissimuler dans les ombres ou les plis de ses draperies, de façon qu’on ne les remarque pas, et qu’au contraire elles donnent plus de précision aux contours et plus de vigueur aux ombres ; ainsi il savait faire de nécessité vertu. Il ne se servait que de deux couleurs pour ombrer les verres qu’il soumettait à l’action du feu, l’une tirée des battitures de fer et l’autre de celles de cuivre. La première, étant noire, lui servait à ombrer les draperies, les cheveux et les édifices ; la seconde lui donnait une teinte tannée propre aux chairs. Il tirait aussi un grand parti d’une pierre dure qu’il faisait venir de France et de Flandre, connue aujourd’hui sous le nom d’améthyste, qui est rouge et sert à brunir l’or ; lorsqu’elle est mélangée avec de la gomme, après avoir été broyée d’abord dans un mortier de bronze et ensuite sur une plaque de cuivre ou de laiton, avec une molette de fer, elle fait divinement sur le verre.

Il n’avait pas beaucoup de dessin, quand il arriva à Rome, quoiqu’il fût très habile dans les autres parties de son art. En ayant bientôt reconnu l’inconvénient, il se mit à étudier sérieusement et, quoique déjà âgé, il améliora, peu à peu, son dessin, comme on peut s’en rendre compte par les verrières[1] qu’il exécuta dans le palais du cardinal Silvio, à Cortona, l’œil-de-bœuf où se trouvent les armes de Léon X, dans la paroisse de cette ville, à main droite en entrant dans l’église, et deux petits vitraux, qui sont à la Confrérie de Jésus, sur l’un desquels il a représenté le Christ et sur l’autre San Onofrio, œuvres très différentes et bien supérieures à ses premières. Tandis qu’il demeurait à Cortona, mourut à Arezzo Fabiano, fils de Stagio Sassoli, Arétin et maître excellent dans les grands vitraux. Les fabriciens de l’evêché avaient confié alors[2] à son fils Stagio, et à Domenico Pecori,

  1. Actuellement chez le comte Tommaso Passerini, à Cortona. Elles représentent la Prudence, la Force, la Tempérance et la Justice.
  2. Le 23 août 1513.