Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/185

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Pendant ce temps, le sacristain des Servi avait confié au Francia Bigio une des fresques de la cour, dont nous avons déjà parlé. Celui-ci n’avait pas encore achevé d’élever la clôture, lorsqu’Andrea, mis en éveil, parce qu’il lui paraissait que le Francia était plus habile et plus expéditif dans la pratique des couleurs à fresque, fit, comme par rivalité, les cartons des deux histoires promises au sacristain et destinées à prendre place dans le coin, entre la porte latérale de San Bastiano et la petite porte qui, de la cour, donne accès dans la Nunziata. Les cartons faits, il se mit à peindre les fresques, et, dans la première il représenta la Nativité de la Vierge[1], avec un groupement de figures bien proportionnées et agencées avec grâce, dans une chambre où quelques femmes, amies et parentes, revêtues des costumes du temps, viennent visiter et entourent l’accouchée. Autour du feu, quelques femmes, de condition inférieure, lavent la fillette qui vient de naître, tandis que d’autres préparent les langes et rendent divers offices réclamés par la circonstance. On voit encore un enfant qui se chauffe au feu, vraiment vivant, un vieillard étendu sur un lit de repos, très naturel, et des servantes qui apportent à manger à la mère de la Vierge, avec des gestes pleins de vérité. Toutes ces figures et quelques petits anges qui volent en semant des fleurs sont peints avec un tel art qu’ils paraissent vivants.

Dans l’autre histoire, Andrea fit les trois mages d’Orient qui, guidés par l’étoile, viennent adorer le petit Enfant Jésus. Il les représenta descendus de cheval, comme s’ils étaient prêts d’arriver au but de leur voyage, et cela parce qu’il n’y a que l’espace des deux portes entre cette scène et la Nativité du Christ peinte par Alesso Baldovinetti. Les trois rois sont suivis de leur cour et de gens qui conduisent des chariots et des bagages de toute espèce ; parmi ces gens, on remarque, dans un coin, trois personnages couverts de l’habit florentin et peints d’après nature. Le premier, en face du spectateur et en pied, est Jacopo Sansovino ; le second est Andrea del Sarto ; un bras en raccourci, il paraît indiquer qu’il est l’auteur de cette œuvre, et s’appuie contre le Sansovino, derrière lequel on voit la tête de profil du musicien Aiolle[2]. Des enfants grimpent sur une muraille pour voir passer les étranges animaux, qui accompagnent le magnifique cortège des trois rois. Cette fresque ne le cède en rien à la précédente, et, dans l’une et dans l’autre, Andrea resta supérieur non seulement à lui-même,

  1. Terminée en 1514, signée : MDXIIII ANDREAS FACIEBAT.
  2. Né en 1492, et qui, à partir de 1530, vécut toujours en France.