Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/187

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nouvelle condition, il eut à en supporter bien d’autres, en homme qui était en proie tantôt à la jalousie et tantôt à mille autres souffrances[1]

Pour en revenir à ses ouvrages, qui furent aussi nombreux que précieux, il fit, après ceux dont nous avons parlé ci-dessus, pour un frère mineur de Santa Croce, qui était directeur des sœurs de San Francesco in via Pentolini et qui appréciait beaucoup la peinture, un tableau destiné à l’église des sœurs et représentant la Vierge debout sur un piédestal octogone, aux angles duquel sont assises des harpies[2] ; d’une main elle tient à son cou son Fils qui, dans une très belle attitude, la serre tendrement dans ses bras ; dans l’autre, elle a un livre fermé et elle regarde deux petits enfants nus qui la soutiennent et l’encadrent. À droite de la Madone est un saint François dont la tête exprime cette bonté et cette simplicité qui furent vraiment dans ce bienheureux. Les pieds de ces figures sont d’une rare beauté — il en est de même des draperies qu’Andréa savait jeter, avec des plis très riches et des froissures si harmonieuses que, tout en enveloppant les figures elles laissaient toujours apercevoir le nu. À la droite de la Vierge est encore un saint Jean, beau jeune homme occupé à écrire l’Évangile. Cette œuvre paraît enveloppée de nuées transparentes au-dessus des édifices, et les personnages semblent se mouvoir, en sorte que ce tableau est aujourd’hui considéré comme un des plus rares et des plus beaux qu’Andrea ait produits. Il fit encore pour le Nizza, menuisier, un tableau de la Vierge[3] qui n’est pas moins estimé que ses autres œuvres.

L’Art des Marchands ayant ensuite décidé de remplacer par des chars de triomphe en bois, à l’instar de ceux des anciens Romains, les bannières et les cierges que les villes et les forteresses faisaient passer processionnellement, en guise de tribut, le matin de la Saint-Jean devant le duc et les principaux magistrats, parmi les dix que l’on construisit, Andrea en orna quelques-uns de sujets à l’huile et en grisaille qui furent très admirés. Chaque année, on devait augmenter le nombre de ces chars jusqu’à ce que le moindre château eût le sien, ce qui aurait été d’une magnificence extraordinaire ; mais malheureusement, on renonça à ce projet, l’an 1527.

Tandis qu’Andrea enrichissait ainsi Florence de ses productions et que sa renommée grandissait chaque jour, la Compagnia dello Scalzo décida qu’Andrea terminerait la décoration de sa cour, où il avait déjà

  1. Elle s’appelait Lucrezia di Baccio del Fede.
  2. Aux Offices, signé : AND. SAR. FLOR, FAC. MDXVII
  3. Perdu.