Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peint le Baptême du Christ[1]. Andrea, s’étant volontiers remis à cette œuvre, y fit deux histoires, et, pour orner la porte d’entrée, deux belles figures de la Charité et de la Justice. La première histoire représente saint Jean prêchant à la foule, dans une attitude pleine de fierté ; sa maigreur atteste l’austérité de sa vie et son visage est tout esprit et réflexion. Pareillement la variété et la vivacité des auditeurs sont merveilleuses ; ils restent étonnés d’entendre cette nouvelle et rare doctrine. Mais le génie d’Andrea s’appliqua encore davantage dans la deuxième fresque où l’on voit saint Jean baptisant la multitude ; les uns se dépouillent de leurs vêtements, les autres reçoivent le baptême, ceux-là attendent que ce soit leur tour d’être baptisés, et tous sont animés de l’ardent désir d’être lavés du péché. Ces figures sont si bien exécutées en clair-obscur, qu’elles paraissent être de vivantes histoires en marbre, pleines de vérité. Je ne dois pas cacher que, pendant qu’Andrea était occupé à ces peintures et à d’autres, parurent quelques gravures sur cuivre d’Albert Durer, desquelles il se servit, et dont il tira plusieurs figures qu’il arrangea à sa manière, ce qui a fait croire à certaines gens, non pas qu’il soit mal de se servir adroitement des bonnes choses d’autrui, mais qu’Andrea manquait d’invention.

Vers ce temps, Baccio Bandinelli, dessinateur très estimé, eut envie d’apprendre à peindre à l’huile. Sachant qu’à Florence personne ne savait mieux le faire qu’Andrea, il lui demanda son portrait, qui fut très ressemblant, comme l’on peut en juger encore à présent. Ainsi, en le voyant faire cette œuvre et d’autres, Baccio observa la manière de son coloris ; mais, soit à cause des difficultés qu’il rencontra, soit par insouciance, il abandonna son projet et revint plus judicieusement à la sculpture.

Andrea fit pour Alessandro Corsini un tableau plein de petits anges qui entourent la Vierge assise à terre et ayant son Fils à son cou[2] ; pour un mercier qui tenait boutique à Rome et qui était son grand ami, il peignit une tête admirable. Pareillement Giovambatista Puccini, Florentin, à qui le mode de faire d’Andrea plaisait extraordinairement lui demanda un tableau d’une Vierge[3], poux être envoyé en France comme il le trouva parfaitement réussi, il le garda pour lui et ne l’envoya pas autrement. Néanmoins, comme il faisait du trafic et des affaires en France, et comme on lui avait prescrit de s’efforcer d’ame-

  1. Ces fresques, commencées en 1511, interrompues en 1518 par le voyage en France, furent reprises en 1522, et terminées en 1526.
  2. Au musée de Munich (?)
  3. Tableau inconnu.