Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/191

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Saint François, d’une main tenant un livre et de l’autre se pressant la poitrine, paraît animé d’une si vive ferveur, que son âme se fond, pour ainsi dire, dans ses paroles. Il y a en outre un saint Laurent, qui écoute en silence, comme un jeune homme et parait se rendre à l’autorité de ses aînés. Des deux figures agenouillées qui occupent le bas du tableau, la Madeleine, richement vêtue, est le portrait fidèle de la femme d’Andrea, car il ne peignait jamais de tête de femme que d’après la sienne, et si par hasard il prenait un autre modèle, soit par l’habitude qu’il avait pris de la dessiner, de l’avoir devant les yeux, et plus encore dans son esprit, il en arrivait à ce que toutes les têtes de femmes qu’il faisait lui ressemblaient. L’autre est un saint Sébastien nu, qui paraît plutôt vivant que peint. Certainement, cette œuvre, parmi tant de peintures à l’huile, fut considérée par les artistes comme la meilleure, tant y brillent la science des proportions dans les figures et la justesse de l’expression dans les visages. Les têtes de jeunes gens y respirent la douceur, celles des vieillards la dureté, et celles des hommes mûrs participent de ces deux caractères. En somme, cette composition est d’une rare beauté dans toutes ses parties ; elle est aujourd’hui à San Jacopo tra Fossi, au Canto agli Alberti, avec d’autres peintures du même auteur.

Tandis qu’Andrea allait ainsi vivant misérablement à Florence du produit de ces ouvrages sans pouvoir se tirer d’affaire, les deux tableaux qu’il avait envoyés en France étaient vus par François 1er et parmi tant de peintures qui lui avaient été expédiées de Rome, de Venise et de Lombardie, ils étaient jugés de beaucoup supérieurs à tous les autres. Comme le roi en faisait le plus grand éloge, on lui dit qu’il serait facile d’attirer Andrea en France à son service, ce qui fut très agréable au roi. Il donna donc des ordres pour que ce projet se réalisât et qu’on payât à Florence l’argent nécessaire pour le voyage ; Andrea se mit donc joyeusement en route pour la France, emmenant avec lui Andrea Sguazzella, son élève[1]. Arrivés à la cour, ils furent accueillis par le roi avec beaucoup de faveur, et le premier jour ne se passa pas sans qu’Andréa éprouvât la libéralité et la courtoisie de ce roi magnanime, qui lui fit présent de bonnes sommes d’argent et de riches habits. S’étant ensuite mis au travail, il se rendit si agréable au prince et à la cour, qu’il reçut des caresses de tout le monde, et qu’il lui semblait que sa fortune l’avait conduit d’une extrême misère à la suprême félicité. Il fit d’abord le portrait du Dau-

  1. Fin mai 1518.