Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/192

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phin[1], à peine âgé de quelques mois tel qu’il était dans ses langes, peinture qu’il porta au roi, et pour laquelle il reçut en don trois cents écus d’or, puis un tableau de la Charité[2], qui fut très admiré, et que le roi estima autant qu’il le méritait. Il assigna au peintre une grosse pension et lui promit qu’il ne manquerait de rien, faisant toute chose pour le retenir, car il aimait le mode de faire et la rapidité de travail de cet homme facile à contenter. En outre. Andrea, ayant su gagner les bonnes grâces des courtisans exécuta pour eux de nombreux travaux ; certes, s’il eût considéré d’où il était parti et le point où le sort l’avait amené, il n’y a pas de doute qu’il serait arrivé au rang le plus brillant, sans parler des richesses qu’il aurait amassées. Mais, un jour qu’il travaillait, pour la reine-mère, à un saint Jérôme pénitent[3], il reçut de Florence des lettres de sa femme qui (n’importe pour quelle raison) le firent songer au départ. Il demanda donc au roi son congé, lui disant qu’il voulait aller à Florence ; que ses affaires mises en ordre, il reviendrait auprès de Sa Majesté de toute façon ; que, pour être plus en paix il ramènerait sa femme avec lui ; enfin qu’il rapporterait des peintures et des sculptures de prix. Le roi lui donna de l’argent pour cela en toute confiance, et Andrea jura sur l’Évangile qu’il reviendrait avant peu de mois.

Arrivé sans accident à Florence[4], il ne songea, pendant plusieurs mois, qu’à se divertir avec sa belle femme et ses amis. Finalement, le temps fixé pour son retour fut passé, et il arriva que les plaisirs, l’oisiveté et des constructions[5] qu’il entreprit, mangèrent son argent, et celui du roi. Néanmoins, il voulait repartir, mais les larmes et les prières de sa femme eurent plus d’empire sur lui que ses intérêts et les serments faits au roi. Pour faire plaisir à sa femme, il ne s’en retourna donc pas, et cette manière d’agir irrita le roi à tel point, que, de longtemps, il ne put regarder d’un bon œil aucun peintre florentin, et il jura que, si jamais Andrea lui tombait entre les mains il lui causerait plus de déplaisir que de plaisir, sans le moindre égard pour son talent. Ainsi Andrea, resté à Florence et tombé du sommet de la félicité dans la misère, chercha à se tirer d’embarras et à passer le temps le mieux qu’il put.

  1. Mort en 1536 Peinture perdue.
  2. Au Musée du Louvre, signée : ANDREAS SARTUS FLORENTINUS ME PINXIT M. D. XVIII. Transportée sur toile.
  3. Tableau inconnu.
  4. En 1519 ; Sguazzella resta en France.
  5. Le 15 octobre 1520, il achète un terrain, via del Mandorlo, pour y construire une maison.