Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/257

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la mettre en état de recevoir une garnison, tandis que les Ascolans croyaient que cette entreprise exigerait des années.

Il refit les fondations, à Rome, de sa maison de la Strada Giulia, pour la défendre des crues du Tibre et non seulement commença, mais conduisit à bonne fin le palais qu’il habitait, près de San Biagio, qui appartient aujourd’hui au cardinal Riccio da Montepulciano ; il l’a terminé à grands frais, outre ce qu’Antonio y avait déjà dépensé et qui monte à plusieurs milliers d’écus.

Mais de toutes les œuvres d’utilité et d’agrément qu’on lui doit, aucune n’est comparable à son modèle de la vénérable et étonnante construction de Saint-Pierre de Rome, qui fut au début dirigée par Bramante, mais modifiée et augmentée par Antonio dans un cadre nouveau et extraordinaire, avec des proportions et une décoration aussi remarquable dans l’ensemble que dans le détail. On peut s’en rendre compte par le modèle fait en bois et entièrement terminé par son élève, Antonio Labacco, qui, de plus, le grava, avec le plan complet de l’édifice, après la mort de San Gallo. Mais on ne l’a pas suivi, par l’ordre de Michel-Ange Buonarroti, comme nous le dirons dans la Vie de celui-ci. Michel-Ange et beaucoup d’autres qui l’avaient vu trouvèrent qu’il offrait trop de ressauts, que les colonnes et les profils étaient trop petits, et qu’il y avait trop d’arcades sur arcades, de corniches sur corniches. Ils n’approuvèrent pas non plus que les deux campaniles, les quatre petites tribunes et la grande coupole fussent entourés de cette guirlande de colonnes maigres et multipliées ; ils condamnaient encore, et nous en faisons autant, toutes ces aiguilles formant amortissement, qui se rapprochent plus de la manière gothique que de l’ancienne et bonne manière, que les meilleurs architectes observent aujourd’hui. Peu de temps après la mort d’Antonio, Labacco ayant terminé tous les modèles, il se trouva que celui de Saint-Pierre, rien qu’en menuiserie, avait coûté 4.184 écus d’or ; on le voit aujourd’hui dans la grande chapelle de Saint-Pierre[1]. San Gallo augmenta l’épaisseur des piliers, afin qu’ils pussent supporter gaillardement le poids de la coupole, et rendit les fondations si solides qu’il est certain que l’édifice ne menacera plus jamais ruine, comme cela advint du temps de Bramante. Les matériaux qu’il enfouit sous le sol forment une masse tellement prodigieuse que, si on les étendait au dehors, l’esprit le plus hardi en serait effrayé.

Depuis l’antiquité romaine, les habitants de Terni et ceux de Narni

  1. Conservé dans l’octogone de Saint-Grégoire.