Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment rendu[1]. On n’aurait rien à reprocher à ce tableau, si le noir n’y était autant prodigué. Cette couleur, soit que le charbon, l’ivoire, le noir de fumée, ou le papier brûlé entrent dans sa composition, produit toujours une certaine crudité, bien qu’elle soit recouverte de vernis.

Étant grand ami de Messer Baldassare Turini da Pescia, Jules construisit ensuite pour celui-ci, après avoir établi le dessin et le modèle, sur un point du mont Janicule couvert de vignes, et d’où l’on a une belle vue, un palais réunissant tous les genres d’agrément et d’utilité que l’on peut désirer[2]. Les appartements furent ornés non seulement de stucs, mais de peintures ayant trait à la vie de Numa Pompilius dont le tombeau avait été autrefois à cet endroit. Dans la salle de bains, aidé par ses élèves, il représenta les fables de Vénus, de Cupidon, d’Apollon et d’Hyacinthe : tous ces sujets ont été gravés.

Comme, après la mort de Raphaël, Jules était tenu pour le meilleur peintre d’Italie, le comte Baldassare Castiglione, ambassadeur de Frédéric Gonzague à Rome et grand ami de Jules, reçut l’ordre de son souverain de lui envoyer un architecte capable de diriger les travaux de sa capitale et de son palais ; Frédéric avait ajouté qu’il désirait surtout posséder Jules Romain. Le comte Baldassare sollicita donc celui-ci si vivement, qu’il s’engagea à aller à Mantoue si le pape lui en donnait la permission. L’ayant obtenue pour lui, le comte l’emmena à Mantoue[3], quand il y alla pour se rendre ensuite comme ambassadeur du pape auprès de l’empereur. Il présenta Jules au marquis, lequel, après l’avoir comblé de caresses, lui donna une maison bien garnie[4], une forte pension et la table pour lui, pour Benedetto Pagni, son élève, et un autre jeune homme qui était à son service. Le marquis lui envoya, en outre, du velours, du satin et d’autre riches étoffes ; puis, apprenant qu’il n’avait point de monture, il se fit amener son cheval favori, nommé Ruggieri, et le lui donna. Jules l’ayant monté, ils allèrent tous deux hors la ville, à un trait d’arbalète de la Porta di San Bastiano, dans un endroit appelé le T, situé au milieu d’une prairie, où Son Excellence avait des écuries pour ses haras. Quand ils y furent arrivés, le marquis lui dit qu’il désirait que, sans détruire les anciens bâtiments, Jules les arrangeât de manière qu’il pût y aller

  1. Actuellement au maître-autel de l’église.
  2. Villa Lante, appartenant aux religieuses du Sacré-Cœur.
  3. Fin 1524.
  4. Il le nomma citoyen de Mantoue, par décret du 5 juin 1526. Le 15 du même mois, il lui donna une maison. Le 31 août 1520, Jules Romain est nommé surintendant de toutes les constructions, aux appointements de cinq cents ducats d’or par an.