Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/290

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méthode. Ayant pris des marbres gris pour former les ombres et faire opposition aux marbres blancs, employés pour les parties éclairées, les contours étant de même creusés au ciseau, il vit qu’il pouvait faire quelque chose de semblable au clair-obscur en peinture. Il en fit un essai qui réussit de telle sorte, pour l’invention, le dessin parfaitement fondu et la masse de figures, qu’il commença dans cette manière le plus beau, le plus vaste et le plus magnifique pavé qui ait jamais été fait. Il y travailla de temps en temps, jusqu’à son dernier jour, et en acheva une grande partie. Autour du maître-autel, pour suivre l’ordre des histoires commencées par Duccio, il représenta différents traits de la Genèse, c’est-à-dire : Adam et Ève chassés du paradis terrestre et labourant la terre, le Sacrifice d’Abel et celui de Melchissédec[1] ; devant l’autel est le Sacrifice d’Abraham. Il est entouré d’une bordure de demi-figures, qui portent des animaux destinés à des sacrifices[2]. Au bas des degrés, on voit un autre grand compartiment représentant Moïse qui reçoit les tables de la loi sur le Mont-Sinaï, plus bas le Veau d’Or adoré par les Hébreux, et Moïse irrité brisant les tables de la loi[3]. Dans la grande nef, en face de la chaire, est une scène renfermant un grand nombre de figures, composée et dessinée avec une grâce indicible ; elle représente Moïse dans le désert, frappant le rocher d’où jaillit l’eau et donnant à boire au peuple altéré. La bordure est formée par l’eau qui court, et l’on ne saurait exprimer combien sont belles les attitudes de tous ces Hébreux qui accourent se désaltérer ; les uns se baissent pour boire, les autres s’agenouillent devant le rocher, ceux-ci prennent de l’eau avec des vases ou des coupes, ceux-là avec leur main ; d’autres encore abreuvent des animaux, au milieu de la joie du peuple. Il y a surtout un enfant qui tient un petit chien par la tête et par le cou et lui plonge le museau dans l’eau, pour le forcer à boire ; le petit animal, n’ayant plus soif, secoue la tête pour s’échapper, avec tant de vérité qu’il paraît vivant. Les ombres, les reflets sur les figures sont rendus d’une manière vraiment merveilleuse. En somme, cette composition, qui est la meilleure et la plus belle partie de tout le pavement de la cathédrale, ne laisse rien à désirer. Au-dessous de la coupole, est un compartiment hexagone divisé en six rhombes et en sept hexagones, dont quatre furent conduits à fin par Domenico ; il y traça l’histoire et le sacrifice d’Élie[4]. Cet

  1. Ces deux sujets furent dessinés en 1544.
  2. Id., en 1546.
  3. Ces deux derniers sujets furent dessinés en 1525.
  4. Id., en 1521-1522 ; de tout ce travail, il reste sept grands cartons originaux à l’Institut des Beaux-Arts de Sienne.