Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/299

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dessin mais firent peu de cas du coloris qui était plein de crudités.

Du temps de Léon X, on avait tiré de Carrare, en même temps que les marbres de la façade de San Lorenzo, à Florence, un bloc haut de neuf brasses et demie et large de cinq à sa base. Michel-Ange voulait en faire un Hercule colossal tuant Cacus, pour le mettre sur la place, à côté de son David, tous deux devant être les enseignes du Palais Public. Ayant fait plusieurs dessins et modèles, il cherchait à acquérir la faveur du pape Léon et du cardinal Jules de Médicis, disant que son David avait de nombreux défauts causés par Maestro Andrea, sculpteur, qui l’avait ébauché et abîmé[1]. Mais la mort de Léon X fit échouer ces projets ainsi que ceux de la façade de San Lorenzo, puis le désir étant survenu au pape Clément VII de se servir de nouveau de Michel-Ange, pour les tombeaux des héros de la famille Médicis à placer dans la nouvelle sacristie de San Lorenzo, il fallut extraire des marbres de Carrare. Domenico Buoninsegni, maître de cette entreprise, tenta de se concerter avec Michel-Ange, pour voler le pape sur le compte de ces marbres. Michel-Ange, en repoussant ces indignes propositions, s’attira la haine de Domenico, qui dès lors s’opposa à tous ses projets pour l’abaisser et lui nuire, toujours en secret. Il fit en sorte que la façade fût mise de côté et que l’on s’occupât de la sacristie, disant que c’était deux œuvres suffisantes pour tenir Michel-Ange occupé plusieurs années, et il persuada au pape de donner le marbre destiné au groupe colossal à Baccio, qui n’avait alors rien à faire ; la concurrence de deux pareils maîtres, disait-il, serait un gage de meilleur service et de plus grande rapidité. Le pape suivit ce conseil et donna le bloc à Baccio, qui de suite composa un grand modèle en cire, représentant Hercule, qui, ayant écrasé avec son genou la tête de Cacus entre deux rochers, l’étreint violemment avec le bras gauche, en le tenant renversé sous ses jambes, dans une attitude tourmentée. Cacus montrait la souffrance qu’il éprouvait de cette violence et du poids qu’Hercule faisait peser sur lui, en sorte que le moindre muscle de tout son corps faisait grandement saillie. De même. Hercule, la tête penchée vers son ennemi abattu, grinçant des dents, levait le bras droit et lui donnait un autre coup de massue sur la tête.

Michel-Ange fut vivement affecté en apprenant que le marbre avait été donné à Baccio ; et, malgré toutes ses démarches, il ne put déterminer Clément VII à changer de volonté, tant celui-ci était enchanté du modèle de Baccio, au succès duquel s’ajoutaient les promesses et les

  1. L’auteur de ce méfait fut Bartolommeo di Pietro Baccellino.