Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/358

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est regardée comme La meilleure de toutes celles que l’on voit dans la salle du Grand Conseil. Dans le même palais, au pied d’un escalier, il peignit à fresque une Madone[1]. Peu de temps après, il fit un Christ à table avec Cléophas et Luc[2], pour un gentilhomme de la famille Contarini, lequel, jugeant ce tableau digne de rester exposé aux regards du public, le donna généreusement à la Seigneurie, qui le plaça d’abord dans les appartements du doge ; aujourd’hui, on le voit au-dessus de la porte du petit salon doré qui précède la salle du Conseil des Dix, de manière que tout le monde peut le voir, étant dans un lieu public.

Presque à la même époque, il peignit, pour la Scuola de Santa Maria della Carità, une Vierge gravissant les degrés du temple[3], avec toutes sortes de têtes, qui sont autant de portraits, et pareillement, dans la Scuola di San Fantino, un petit tableau de saint Jérôme pénitent[4], très apprécié des artistes, mais qui a été réduit en cendres, il y a deux ans, ainsi que toute l’église.

L’an 1530, l’empereur Charles-Quint étant à Bologne, Titien fut appelé dans cette ville par le cardinal Hippolyte de Médicis, et grâce à l’entremise de Pietro Aretino, il y fit un fort beau portrait de l’empereur tout armé[5], dont celui-ci fut tellement satisfait qu’il lui donna mille écus d’or. À la vérité, Titien fut ensuite obligé de partager cette somme avec Alphonso Lombardi sculpteur, qui, de son côté, avait préparé un modèle destiné à être sculpté en marbre. De retour à Venise, Titien trouva que plusieurs gentilshommes qui s’étaient mis à favoriser le Pordenone, en louant beaucoup les peintures qu’il avait faites sur le plafond de la salle des Pregai et ailleurs, lui avaient fait allouer dans l’église San Giovanni Elemosinario, un petit tableau[6], qu’il devait faire en concurrence de Titien, celui-ci ayant peint, peu auparavant, dans le même lieu, le saint en habits d’évêque[7]. Malgré toute l’application que le Pordenone consacra à ce tableau, il ne put égaler ni atteindre de beaucoup à la perfection de l’œuvre de Titien. Celui-ci fit ensuite, pour l’église de Santa Maria degli Angeli, à Murano, un admirable tableau de l’Annonciation dont il demanda cinq cents écus qui lui furent refusés. Alors, sur le conseil de Messer Piero Aretino, il l’offrit à l’empereur

  1. Tableau perdu.
  2. Au Musée du Louvre, signé : TICIAN,
  3. À l’Académie de Venise.
  4. Deux tableaux analogues sont à l’Escurial et au Louvre.
  5. C’est le portrait équestre du Musée de Madrid.
  6. Qui représente trois saints ; en place.
  7. Au fond du chœur, peint vers 1533.