Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/362

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Enfin il s’achemina vers Venise, dès que son autre fils Orazio eût exécuté le portrait de l’excellent violoniste Battista Ceciliano, et en eût terminé plusieurs autres pour Guidobaldo, duc d’Urbin.

Arrivé à Florence[1], Titien, à la vue des belles œuvres que renferme cette ville, ne fut pas moins étonné qu’il ne l’avait été à Rome. Il alla visiter le duc Cosme au Poggio a Calano, et s’offrit pour faire son portrait ; mais Son Excellence parut ne pas s’en soucier, peut-être pour ne pas faire tort à tant de nobles artistes qui se trouvent dans sa ville et dans ses États. De retour à Venise, Titien acheva, pour le marquis del Vasto, un tableau où il le représenta haranguant ses soldats[2] ; il fit ensuite, pour lui, le portrait de Charles-Quint, celui du roi catholique et beaucoup d’autres. Ces travaux terminés, il fit une petite Annonciation[3], dans l’église de Santa Maria Nuova, puis, avec l’aide de ses élèves, une Cène[4], dans le réfectoire de San Giovanni e Polo ; une Transfiguration du Christ sur le maître-autel de San Salvadore, et une Annonciation sur un autre autel de la même église[5]. Mais ces derniers ouvrages, tout en n’étant pas dépourvus de qualités, ne sont pas très estimés par lui, et n’ont pas cette perfection que présentent ses autres productions. Comme ses œuvres sont en nombre infini, particulièrement les portraits, il est impossible de les mentionner toutes. Je parlerai donc simplement des plus remarquables, mais sans m’astreindre à l’ordre des temps, car peu importe de savoir si celui-ci fut fait d’abord et celui-là ensuite.

Il fit plusieurs fois, comme nous l’avons déjà dit, le portrait de Charles-Quint ; dernièrement encore, il fut appelé à la cour de ce prince[6], pour le peindre, tel qu’il était à la fin de sa vie. L’invincible empereur aimait tellement le faire de Titien, que, dès qu’il l’eût connu, il ne voulut jamais être peint par aucun autre peintre ; pour chaque portrait, il lui donnait mille écus d’or. De plus, il le créa chevalier[7], et lui assigna une pension de deux cents écus sur la Chambre de Naples. Quand il fit pareillement le portrait de Philippe II, roi d’Espagne[8], et de son fils, don Carlos, il eut une pension analogue

  1. En 1546.
  2. Au musée de Madrid ; entièrement repeint.
  3. Actuellement à San Rocco.
  4. Détruite dans l’incendie de 1867.
  5. Ces deux tableaux sont en place ; l’Annonciation est signée TITIANUS FECIT FECIT (sic).
  6. À Augsbourg, en 1538 ; ce portrait est au Musée de Munich.
  7. Et comte palatin en 1533.
  8. Actuellement au palais Pitti.