Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/363

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de deux cents écus, ce qui lui fait, avec ses trois cents écus du Fondaco de’Tedeschi, à Venise, un revenu annuel de sept cents écus, sans qu’il ait à peiner sur l’ouvrage. Il envoya les portraits de Charles-Quint et du roi Philippe au duc Cosme, qui les conserve dans sa garde-robe. Il exécuta aussi celui de Ferdinand, roi des Romains, qui fut ensuite empereur[1], et ceux de ses deux enfants, dont l’un est l’empereur Maximilien, aujourd’hui régnant. Il peignit également la reine Marie et, pour l’empereur Charles, le duc de Saxe[2], quand ce seigneur était prisonnier. Mais il suffit de rappeler en un mot qu’il excella dans ce genre, et qu’il n’y a pour ainsi dire pas un homme de haut renom, pas un prince, pas une grande dame, dont Titien n’ait reproduit les traits, entre autres François Ier, roi de France, Francesco Sforza, duc de Milan, le marquis de Pescara, Antonio da Leva, Massimiliano Stampa, le seigneur Giovambatista Castaldo, et une multitude de gentilshommes[3].

Pareillement, à diverses époques, il fit quantité d’œuvres d’un autre genre. À Venise, par ordre de Charles-Quint, il fit un grand tableau d’autel[4], représentant le Père Éternel sur son trône, avec la Vierge, Jésus-Christ enfant, surmonté de la colombe du Saint Esprit ; tout le ciel est en feu par l’Amour divin, et le Père est entouré de Chérubins ardents. Au milieu de plusieurs saints, on voit d’un côté Charles-Quint et de l’autre l’impératrice, tous deux couverts d’une draperie de toile de lin, et priant les mains jointes. Titien suivit en cela les ordres de l’empereur qui, parvenu au faîte de la gloire, commença à montrer qu’il voulait renoncer aux vanités du monde et mourir en chrétien, craignant Dieu et préoccupé de son salut. Charles-Quint déclara à Titien qu’il voulait mettre cette peinture dans le monastère où il acheva ses jours, et, comme elle est remarquable, on s’attend à bientôt la voir gravée[5]. Pour la reine Marie, il peignit Prométhée

  1. Une copie de ce portrait est au Musée de Madrid.
  2. Au Musée de Vienne.
  3. Il faut considérer comme perdus les portraits de Titien cités ici et plus haut et qui ne sont pas annotés. Il en est de même des portraits suivants indiqués par Vasari : Sinistri vénitien et ami de Titien ; Messer Paulo da Ponte, vénitien et sa fille, Giulia da Ponte, commère de Titien ; la Signora Irène ; messer Francesco Filetto et son fils ; le cardinal Bembo ; Fracastor : le cardinal Accolti de Ravenne ; un gentilhomme de la famille Delfini ; messer Nicolo Zono ; la Rossa, femme du Sultan, âgée de 16 ans et sa fille Cameria : messer Francesco Assonica, avec un grand tableau de la Fuite en Egypte, non retrouvé ; un portrait de femme chez un gentilhomme de la famille Pisani, près de Sain-Marc.
  4. À l’Escurial, terminé en 1554.
  5. Elle le fut par Cornélius Cort, en 1565.