leur assurant une solidité à toute épreuve en renouvelant les fondations des piliers qui leur servaient de supports. Ce travail excita l’admiration de Venise et contenta au plus haut point le prince Gritti ; bien plus, il montra au sérénissime Sénat de quoi le Sansovino était capable, et, comme l’architecte des procurateurs de Saint-Marc venait de mourir (c’est la plus haute charge que ces seigneurs donnent à leurs ingénieurs et à leurs architectes), ils le nommèrent à cette place, en lui donnant la maison afférant à la charge, avec un honorable traitement[1].
Étant donc entré dans cet office, il commença à l’exercer, en ayant l’œil à tout, tant sur les constructions que sur l’observation des marchés et sur la tenue des livres, consacrant tous ses soins à tout ce qui regardait l’église de Saint-Marc, les commissions qui sont en grand nombre et tous les marchés qui se négocient dans cette procuratie. Il fut d’une amabilité extraordinaire avec les procurateurs, empressé à bien les servir, et à amener ce qu’ils demandaient pour la grandeur, la beauté et l’ornementation de l’église, de la ville et de la place publique (ce que n’avait jamais fait aucun autre chargé de cet office). Il leur procura diverses ressources et profits, grâce aux inventions que son génie subtil et délié sut trouver, et toujours en ne leur occasionnant que peu ou point de dépense. C’est ainsi que l’an 1529, comme il se trouvait entre deux colonnes de la place quelques boutiques de bouchers et, entre d’autres colonnes, des baraques en bois pour les besoins naturels des passants (chose grossière et honteuse, tant pour la dignité du palais et de la place publique, que pour les étrangers qui entraient à Venise, du côté de San Giorgio, et tombaient d’abord sur cette malpropreté), Jacopo montra au prince Gritti l’honnêteté et l’à-propos de sa pensée, et fit enlever boutiques et baraques. Les boutiques furent placées là où elles sont maintenant, avec quelques places réservées pour les vendeurs de légumes, ce qui donna à la procuratie sept cents ducats de plus de revenu, tout en contribuant à l’embeUissement de la place et de la ville. Peu de temps après, voyant que, dans la Merceria, et en allant au Rialto, près de l’Horloge, il suffisait de jeter à terre une maison qui payait vingt ducats de loyer, pour pratiquer une rue qui irait à la Spadaria, il amena ainsi la hausse des loyers pour les maisons et les boutiques des environs ; en supprimant cette maison, il augmenta leurs revenus de cent cinquante ducats l’an. Il construisit en outre, dans cet endroit, l’Osteria del Pellegrino, et une autre au
- ↑ Nommé le 1er avril 1529. Son traitement fut successivement porté de 80 ducats à 200 ducats en 1544.