Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/413

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tir plus de peur de la justice que d’espérance de la miséricorde divine. Non moins belle est la composition du Sacrifice de Noé ; l’un porte du bois, l’autre accroupi souffle le feu, quelques-uns égorgent la victime. Michel-Ange ne montra pas moins d’art dans le huitième compartiment représentant le Déluge, où l’on aperçoit divers genres de morts, et des hommes cherchant par différents moyens à sauver leur vie. Leurs têtes reflètent tout à la fois la peur d’être la proie de la mort, la terreur et le mépris de toute chose devant le danger. Quelques-uns, pleins de pitié, cherchent à s’entr’aider, en se hissant au sommet d’un rocher ; il y en a un surtout qui, tenant embrassé un autre à demi mort, veut le sauver, d’un mouvement qui ne saurait être plus naturel. Enfin on ne saurait rendre la beauté du neuvième compartiment représentant l’Ivresse de Noé ; pris de vin, ce dernier dort tout découvert, et, devant lui, un de ses fils se rit de son père, tandis que les deux autres voilent sa nudité, épisode rendu avec le talent d’un artiste incomparable, et qui ne saurait être vaincu que par lui-même. Comme si ce génie s’était enflammé par l’ouvrage produit, il se releva et se montra plus grand encore dans les cinq Sibylles et les sept Prophètes, hauts de cinq brasses et plus, qui sont à droite et à gauche des petits compartiments ; leurs attitudes variées, la diversité et la beauté des draperies sont pleines d’invention et d’un jugement merveilleux, et ils apparaissent divins à qui considère les passions dont ils sont animés. Jérémie, les jambes croisées et tenant sa barbe d’une main, appuie le coude sur son genou, et laisse pendre l’autre bras, la tête penchée, de manière qu’il montre bien la mélancolie, les pensées qui l’agitent et la douleur que lui cause son peuple. Il en est de même des deux enfants qui sont derrière lui, et delà Sibylle Persique qui vient après, du côté de la porte, et dans laquelle voulant exprimer la vieillesse, outre qu’il l’a enveloppée de vêtements, pour montrer que son sang est glacé par l’âge, Michel-Ange lui a fait approcher son livre très près des yeux, ses yeux étant également affaiblis. Vient ensuite le Prophète Ézéchiel, vieux, dans une attitude pleine de mouvement, et tout enveloppé de vêtements ; d’une main, il tient un rouleau de prophéties, et, l’autre étendue, il paraît vouloir parler de choses hautes et grandes, en tournant la tête ; derrière lui, sont deux enfants qui lui présentent des livres. La Sibylle Érythrée est différente de la première Sibylle dont nous avons parlé plus haut. Tenant un livre éloigné de ses yeux, elle tourne la page, tandis que, un genou croisé sur l’autre, elle s’arrête, plongée dans ses réflexions, et pensant à ce qu’elle va écrire ; derrière elle, un enfant souffle sur un tison et allume sa lampe. Cette figure est d’une beauté extraordinaire quant au visage, à la coif-