Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/434

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

drés[1]. L’un représente la Conversion de saint Paul, avec Jésus-Christ dans les airs et une multitude d’anges nus dans de beaux mouvements ; Paul est tombé à terre, étourdi et épouvanté ; parmi les soldats qui l’entourent, les uns cherchent à le relever, les autres, pleins de frayeur devant l’apparition, fuient ainsi que le cheval qui paraît entraîner celui qui veut le retenir. Toute cette fresque est exécutée avec un art et un dessin extraordinaires. L’autre représente la Crucifixion de saint Pierre, qui est fixé nu sur la croix ; les bourreaux, après avoir fait un trou en terre, veulent dresser la croix, de manière que le corps ait les pieds en l’air. Comme on l’a dit autre part, Michel-Ange s’est appliqué à ne représenter que la perfection de l’art, parce qu’on n’y voit ni paysages, ni arbres, ni maisons ; on ne remarque pas non plus les délicatesses de l’art qu’il négligeait comme ne voulant pas abaisser son grand génie à de semblables choses. Ces fresques furent les dernières peintures qu’il exécuta ; il avait alors soixante-quinze ans, et il y éprouva, à ce qu’il m’a dit, une grande fatigue ; car la peinture, et particulièrement celle à fresque, passé un certain âge, n’est pas un travail de vieillard. Il décida que, sur ses dessins, Perino del Vaga, peintre excellent, couvrirait la voûte de stucs et de peintures : c’était également la volonté du pape Paul III, qui, le laissant attendre pour les paiements, fit en sorte que quantité de choses restèrent inachevées, ce qui arrive souvent, soit par la faute d’artistes négligents, soit par celle de princes trop peu soucieux de les exciter.

Le pape Paul avait commencé à fortifier le Borgo, et avait appelé plusieurs personnages à donner leur avis, avec Antonio da San Gallo ; il voulut aussi que Michel-Ange assistât à cette assemblée, sachant que les fortifications de San Miniato, à Florence, avaient été élevées sous sa direction. Après de nombreuses discussions, il lui demanda son avis, que celui-ci donna hardiment, bien qu’étant d’opinion contraire à celle de San Gallo et de quantité d’autres. San Gallo lui dit alors que sa partie était la sculpture et la peinture, non les fortifications. Michel-Ange lui répliqua qu’il avait peu de connaissances des premières ; mais qu’en fortification, comme il avait longtemps médité sur ce sujet, outre la pratique qu’il en avait faite, il croyait en savoir plus que San Gallo et tous ceux de sa famille. Il montra, en présence de tous, que San Gallo avait commis de nombreuses erreurs et, la discussion s’envenimant, le pape dut leur imposer silence ; peu de temps après, Michel-Ange apporta un dessin entier des fortifications du Borgo, qui ouvrit

  1. Existent encore (1549-1550).