Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/441

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voudrais entendre parler ces réclameurs, dit Michel-Ange. — C’est nous, lui répondit le cardinal Marcello. » Michel-Ange lui dit alors : « Monseigneur, au-dessus de ces fenêtres pratiquées dans la voûte qu’on va faire en travertin, il y en aura trois autres. — Vous ne nous l’aviez jamais dit », reprit le cardinal. Michel-Ange ajouta : « Je ne suis et ne veux être obligé, à aucun prix, de dire, ni à votre seigneurie, ni à personne, ce que je dois et veux faire. Votre rôle est de rassembler l’argent et de veiller aux voleries ; quant aux plans, je vous prie de m’en laisser le soin. » Puis, se tournant vers le pape, il lui dit : « Saint-Père, voyez ce que je retire de tout cela ; si les soucis que j’endure ne servent pas au salut de mon âme, je perds mon temps et ma peine. » Le pape, qui l’aimait, lui frappa sur l’épaule et lui dit : « Vous gagnerez pour votre âme et pour votre corps, n’en doutez point. » Ainsi, pour avoir fermé la bouche à ses détracteurs, il augmenta infiniment l’affection que le pape lui portait, et celui-ci lui commanda, ainsi qu’à Vasari, de se trouver tous deux le lendemain à la Vigna Julia, où ils eurent de longs entretiens. Le pape lui dit qu’il eût à continuer cette construction, pour l’amener au point de perfection où elle est actuellement, que rien ne se ferait, ni ne se déciderait, sans qu’il fût consulté et qu’il eût donné son avis. Une fois, entre autres, comme Michel-Ange allait souvent à la Vigna avec Vasari, Sa Sainteté se trouvait assise à la fontaine dell’Acqua Vergine, avec douze cardinaux ; Michel-Ange s’étant présenté, le pape voulut par force, je l’affirme, qu’il s’assît à ses côtés, bien qu’il s’en défendît avec beaucoup de modestie. C’est ainsi que le pape honorait toujours, autant qu’il le pouvait, son génie.

Le pape lui fit faire ensuite le modèle d’une façade pour un palais qu’il désirait construire à côté de San Rocco, et pour lequel il voulait utiliser les murs du Mausolée d’Auguste. On ne saurait voir de dessin de façade plus varié, plus orné, ni plus nouveau ; il en a toujours été de même de toutes les œuvres de Michel-Ange qui ne voulut jamais s’astreindre à aucune règle établie, soit antique, soit moderne, en architecture, semblable à ceux qui ont un génie apte à trouver sans cesse des choses nouvelles et non moins belles. Ce modèle est actuellement chez le duc Cosme de Médicis, à qui il fut donné par le pape Pie IV, quand le duc alla à Rome[1]; le duc le conserve parmi ses choses les plus précieuses. Ce pape avait tant de considération pour Michel-Ange, qu’il le prit toujours sous sa protection contre les cardinaux et tous ceux qui voulaient le calomnier ; il voulut aussi que tous les artistes, quelles

  1. Fin 1560.