Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une galerie dorique très belle, semblable au Colisée des Savelli[1], avec deux ordres superposés ; mais au lieu de colonnes engagées, il mit des pilastres et la construisit toute en travertin. Au-dessus, il disposa un deuxième ordre ionique, percé de fenêtres, qui lui permit d’arriver au niveau des premières chambres du palais papal et de celles du Belvédère, et de faire une galerie de plus de quatre cents pas donnant du côté de Rome. L’autre, du côté du bois, fermait le vallon qui avait été aplani pour recevoir toute l’eau du Belvédère, et une belle fontaine. De tout ce projet. Bramante ne termina que le premier corridor qui sort du palais et va au Belvédère, du côté de Rome, à l’exception de la dernière galerie qui devait être au-dessus. On avait jeté les fondations de la seconde, face à l’autre, du côté du bois, lorsque la mort vint frapper Jules II et son architecte. Elle vient d’être presque achevée par Pie IV. Il construisit encore la partie qui touche, du côté du Belvédère, au Musée des statues antiques, avec la disposition des niches, et de son temps on y plaça le Laocoon, statue antique des plus remarquables, l’Apollon et la Vénus. Léon X fit ensuite placer le reste des statues, comme le Tibre, le Nil et la Cléopâtre, et Clément VII quelques autres. Du temps de Paul III et de Jules III, on y fit divers travaux d’agrandissement extrêmement coûteux. Si Bramante n’avait pas eu affaire à des ministres si avares, il aurait pu montrer combien il était expéditif, et combien il entendait merveilleusement la construction. Il poussa les travaux du Belvédère avec une activité prodigieuse ; son ardeur était telle, et d’autre part le pape était si impatient, voulant voir les constructions non pas s’élever mais sortir de terre, que les ouvriers tiraient de jour en présence de Bramante le sable eî la terre dure dont ils se servait la nuit pour les fondations. Ce zèle mal entendu a été cause que la bâtisse éprouva des tassements et des lézardes, et menace ruine aujourd’hui ; et même quatre-vingts brasses de ce corridor s’écroulèrent du temps de Clément VII, et furent relevées par Paul III, qui de plus a été obligé de reprendre les fondations et de renforcer les murs. Il y a encore au Belvédère, de la main de Bramante, plusieurs escaliers d’une grande variété suivant leurs emplacements ; ils sont d’après les trois ordres et admirablement exécutés. On dit qu’il avait fait un modèle de tout l’édifice, qui était une chose merveilleuse, comme on peut en juger par le commencement de cette œuvre restée inachevée. Il fit encore un escalier en spirale, si doux qu’on peut le monter à cheval, et porté sur

  1. Ou Théâtre de Marcellus.