Page:Les vies des plus excellents peintres, sculpteurs, et architectes 02.djvu/93

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des colonnes dont les ordres se succèdent, l’ionique au dorique, le corinthien à l’ionique ; l’idée lui en fut inspirée par l’escalier de San Niccolo, à Pise, dont nous avons parlé dans la vie de Giovanni et Niccolo Pisani. Le pape, qui l’aimait beaucoup, lui donna pour le récompenser l’office du Plomb, pour lequel il inventa une machine pour sceller les bulles au moyen d’une vis à pression.

Bramante le suivit à Bologne, quand cette ville revint aux États de l’Église, en 1506 ; il s’employa à d’importants travaux pendant la guerre de la Mirandola. Il apprit quantité de choses d’architecture à Raphaël d’Urbin, et l’aida à mettre en perspective les édifices des fresques dans la salle du pape où se trouve le Mont Parnasse. Dans cette salle, Raphaël fit le portrait de Bramante, qui semble mesurer une figure au compas[1].

Le pape résolut de mettre dans la Strada Giulia, redressée par Bramante, tous les édifices et tribunaux de Rome, placés jusque-là dans des endroits très incommodes. Bramante commença alors un palais à San Biagio, sur les bords du Tibre, dont il reste un temple corinthien non terminé[2]. C’est vraiment dommage qu’une œuvre si grandiose et si utile n’ait pas été achevée, car elle était regardée par les gens du métier comme la plus belle chose qu’on ait vue dans ce genre. Il fit encore, dans le premier cloître de San Pietro à Montorio, un temple circulaire en travertin[3], dont les proportions, l’ordre et la variété sont telles qu’on ne saurait imaginer édifice plus gracieux ni mieux compris. La beauté en serait encore plus grande, si toute la construction du cloître avait été achevée conforme à un de ses dessins. Il construisit au Borgo le palais qui appartint ensuite à Raphaël d’Urbin[4], et qui fut bâti en braques et en ciment, avec des colonnes doriques et des bossages d’ordre rustique, construction très belle et faite dans une manière nouvelle de mouler les ornements. Entre autres modèles de palais et d’églises qu’il donna également, et qui ont été élevés à Rome et dans les États de l’Église, il fit le dessin et le projet d’ornementation de Santa Maria di Loreto, qui fut ensuite continuée par Andrea Sansovino.

Telle était la puissance de génie de ce merveilleux artiste qu’il fit un projet grandiose pour redresser et restaurer le palais du pape. Son esprit s’était enflammé encore en voyant l’énergie et la volonté du pape être

  1. Dans la fresque de l’école d’Athènes.
  2. N’existe plus.
  3. Qui existe encore.
  4. N’existe plus.