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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/120

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Voyages Aduentureux

teux de cette faute en laquelle il eſtoit tombé, luy fit reſponce, qu’en foy de Chreſtien, & en verité, il auoit eſcript cette affaire au Vice-Roy, & que ſans faute dans peu de temps il eſperoit des gens de ſecours, s’il n’y auoit quelque trouble aux Indes qui les empeſchaſt de venir, & qu’à cauſe de ce il luy conſeilloit & la prioit de demeurer en ce lieu de Malaca, iuſqu’à ce que dans peu de temps il luy eut fait voir cette verité. À quoy ceſte Princeſſe affligée ayant repliqué ſur l’incertitude d’vn tel ſecours, Pedro de Faria ſe mit preſqu’en colere ; par ce qu’il croyoit qu’elle eſtoit en méfiance de la verité ; ſi bien qu’au fort de ſa paſſion il laſcha quelques paroles plus rudes que de raiſon. Alors la deſolée Royne, la larme à l’œil, tenant les mains vers le Ciel, & regardant la porte de l’Egliſe, qui eſtoit preſque vis à vis d’elle, ſi remplie de ſanglots, qu’elle ne pouuoit preſque parler. La claire fontaine, dit-elle, c’eſt le Dieu qui s’adore en ceſte maiſon, de la bouche duquel procede toute verité, mais les hommes de la terre ſont des cloacques d’eau trouble, où par nature demeurent continuellement les changemens & les fautes. C’eſt pourquoy ſe doit tenir pour maudis celuy qui ſe confie à l’ouuerture de ſes levres, car ie vous aſſeure, Seigneur Capitaine, que depuis que ie me cognois iuſqu’à preſent, ie n’ay veu ny ouy autre choſe, ſinon que plus les malheureux, tel qu’eſtoit mon mari, & telle que ie ſuis, font pour vous autres Portugais, & moins faites vous pour eux, & plus vous deuez, moins vous voulez, payer. Cela eſtant, ie reconnois clairement, & il faut s’aſſeurer que le guerdon de la nation Portugaiſe, conſiſte plus aux faueurs qu’aux merites des perſonnes. Et pleuſt à Dieu que ce que mes pechez me font maintenant connoiſtre, le defunct Roy mon mari l’euſt connu il y a vingt-neuf ans parce qu’il n’euſt pas veſcu ſi deceu de vous autres comme il a fait. Mais puis qu’il eſt ainſi, vne ſeule choſe me reſte à preſent pour conſolation de mes plaintes, qui eſt d’en voir pluſieurs außi ſcandaliſez de voſtre amitié, que ie le ſuis maintenant : car ſi vous n’auez l’aſſeurance, ny la volonté de me donner ſecours, pourquoi vous y eſtes vous ſi librement engagé auec moi pauure femme deſolée, & vefue de ma pretention, & de ce que i’eſperois treuuer en vous, de qui ie me treuue trompée par vos trop grandes promeſſes ? Apres ces paroles elle tourna le dos au Capitaine, & ſans le