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de Fernand Mendez Pinto.

vouloir plus eſcouter, s’en retourna incontinent en ſon logis, puis fit équipper les vaiſſeaux qui l’auoient amenée, & le lendemain elle partit pour aller à Bintan, où pour lors eſtoit le Roy de Iantana, qui ſelon le rapport qui nous en a eſté fait depuis à Malaca, luy fit de tres-grands honneurs à ſon arriuée : elle luy raconta tout ce qu’elle auoit fait auec Pedro de Faria, & comme elle auoit perdu les aſſeurances de noſtre amitié. À quoy l’on tient que le Roy fit cette reſponſe, Qu’il ne s’eſtonnoit point du peu de verité qu’elle diſoit auoir recogneuë en nous, & qu’elle ne le treuuaſt pas eſtrange, parce que nous l’auions monſtré à tout le monde en pluſieurs occaſions. Pour mieux confirmer ſon dire, il luy recita quelques exemples particuliers des choſes qu’il diſoit nous eſtre arriuées, ce qui ſembloit d’abord eſtre conforme à ſon intention. Toutefois comme Mahumetan & noſtre ennemy, il leur donnoit telle couleur qu’il les faiſoit paroiſtre plus enormes qu’ils n’eſtoient. Ainſi apres luy auoir raconté pluſieurs choſes de nous fort mal faites, où il entremeſloit des perfidies, des voleries & des tyrannies, y adiouſtant pluſieurs mauuais noms, ſans donner à cognoiſtre les raiſons deſquelles l’on ſe pouuoit defendre à l’encontre, encore qu’ils fuſſent abominables, à la fin il luy dit, qu’il luy promettoit par la loy de bon Roy & de bon Mahumetan, qu’elle ſe verroit dans peu de temps par ſon moyen remiſe en ſon Royaume, ſans qu’il en manquat vn ſeul poulce de terre ; & afin qu’elle fût plus aſſeurée de ce qu’il luy promettoit, il luy dit qu’il eſtoit content de la prendre pour femme, ſi elle le vouloit ; parce qu’en ce faiſant il auroit plus de ſuiet d’eſtre ennemy du Roy d’Achem, à qui pour ſon ſuiet il ſeroit contraint de declarer la guerre, s’il ne vouloit à l’amiable ſe deſiſter de ce qu’il luy auoit pris. À quoy elle fit reſponſe, qu’encore que l’honneur qu’il luy faiſoit fut fort grand, qu’elle ne l’acceptoit point neantmoins, s’il ne luy promettoit en doüaire de venger la mort de ſon autre mary, diſant que c’eſtoit là ſa ſeule pretention, ſans laquelle elle n’eut point accepté d’eſtre Royne de tout le monde. Le Roy par le cõſeil des ſiens luy accorda ſa requeſte, & le luy promit ainſi par vn ſerment ſolemnel,