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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/123

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de Fernand Mendez Pinto.

paſſez de la ſeptieſme Lune de cette preſente Annee, s’en vint à moy pleine d’vn grand trauail & affront, la noble vefue Ancheſiny, Royne d’Aaru, auec le viſage triſte, & les yeux baignez de pleurs, ſe proſternant par terre, & s’eſgratignant les iouës à belles ongles, & me diſt que tes Capitaines luy auoient pris ſon Royaume, auec les deux riuieres de Laue & Panetican, & tué Aliboncar ſon mary, auec cinq mille Amborraias, & Ouroballons tous gens de remarque qu’il auoit auec luy, & captiué trois mille enfans qui n’auoient encore iamais peché, leſquels ayants les mains liées auec des cordes, l’on ſoüettoit continuellement ſans aucune pitié, comme s’ils euſſent eſté fils de meres infidelles. C’eſt pourquoi eſtant eſmeu comme ton frere, en la proximité que le ſaint Alcoran nous enseigne, & à laquelle il nous oblige, ie l’ay receuë ſous la protection de ma verité, afin qu’eſtant plus aſſeuré, ie me puiſſe informer de la raiſon, & du droict que pour ce faire tu as peu auoir, & ayant reconneu par ſes ſerments que tu n’en as aucun, ie l’ay receuë pour ma femme, afin que plus librement ie puiſſe deuant Dieu demander le ſien. Ie te prie donc, comme eſtant ton vray frere, que tu luy rendes ce que tu luy as pris, & que de tout cela tu luy en faſſes vne bonne & entiere reſtitution, puis qu’en la Loi profeſſée de noſtre verité, tu y es obligé. Et quant au proceder que tu dois tenir en la reſtitution que ie te demande, elle ſe doit faire par l’ordre que Syribican mon Ambaſſadeur te monſtrera, & ne le faiſant ainſi conformement à ce que par Iuſtice ie te demande, ie me declare ton ennemy pour cette Dame, à laquelle ie me ſuis obligé par vn ſerment ſolemnel de la defendre en ſon affliction. Cet Ambaſſadeur eſtant arriué à Achem, le Roy le fit receuoir honorablement, & prit la lettre qu’il luy portoit. Mais apres en auoir fait ouuerture, & veu ce qu’elle contenoit, il le voulut incontinent faire mourir, ce qu’il eut fait ſans doute, ſi quelqu’vn des ſiens ne l’en eut diuerty, luy diſant, que s’il le faiſoit, cela luy cauſeroit vne grande infamie. Ainſi congediant ſur l’heure cet Ambaſſadeur, ſans vouloir prendre ſon preſent, pour le meſpriſer dauantage il luy bailla vne lettre pour reſponſe de celle qu’il luy auoit apportée, où eſtoient ces mots, Moy le Soultan Alaradin, Roy d’Achem, de Baarros, de Peedir, de Paacem, & des Seigneuries de Dayaa & Batas, Prince de toute la terre des deux mers Mediterranée & Oceane, & des