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Voyages Aduentureux

qui pour lors eſtoit ſur le tillac, & couché ſur vn poulailler, & luy monſtraſmes ce que nous voyons, qui n’eſtoit pas alors beaucoup loing de nous ; & craignant comme nous faiſions, que ce ne fuſſent des ennemis, il s’eſcria Arme, Arme, Arme, il fut auſſi-toſt obey, & ainſi s’aſſeura de ce dont il ſe doutoit touchant ce que nous auions veu ; & recognoiſſans que c’eſtoient des vaiſſeaux de rame qui venoient à nous, nous priſmes incontinent les armes, & fuſmes poſez par le Capitaine aux lieux les plus neceſſaires pour nous defendre. Il nous ſembla pour lors les voyant venir, voguans à la ſourdine, que c’eſtoient les ennemis du iour precedent ; & d’autant qu’en ce lieu il n’y auoit aucune choſe dequoy nous peuſſions auoir crainte, il dit aux ſoldats : Meſſieurs & freres, c’eſt vn voleur qui nous vient attaquer, à qui il ſemble que nous ne ſoyons que ſix ou ſept, ainſi que l’on a de couſtume d’eſtre en ces vaiſſeaux ; & afin qu’au nom de Ieſus-Chriſt nous puiſſions faire choſe qui ſoit bonne, que chacun ſe baiſſe, afin qu’ils ne puiſſent voir pas vn de nous, & lors nous cognoiſtrons leur deſſein, & ce qu’ils veulent de nous. Cependant qu’on tienne preſts les pots de poudre, par le moyen deſquels & de nos eſpées, i’eſpere que nous viendrons à bout de cette aduanture. Que chacun auſſi cache bien ſa meſche, afin qu’ils ne voyent point de feu, & que par ce moyen ils puiſſent croire que nous ſommes tous endormis ; ce qui fut incontinent fait, comme il l’auoit ordonné auec prudence & conſeil. Ces trois vaiſſeaux nous ayans approchez de la longueur d’vn trait d’arbaleſtre, enuironnerent noſtre lorche de poupe & de prouë ; apres nous auoir recogneus ſe tournerent pour ſe ioindre cõme s’ils euſſent fait vn nouueau cõſeil, & furent ainſi ioints l’eſpace d’vn quart d’heure. Cela fait, ils ſe ſeparerent en deux, ſçauoir les deux plus petits enſemble, qui ſe mirent à noſtre poupe, & l’autre plus grand, & qui eſtoit le mieux armé, nous attaqua du coſté d’eſtribord. Alors chacun entra dans noſtre Lorche de l’endroit qu’il croyoit eſtre le plus à propos, tellement qu’en moins d’vn demy quart d’heure, plus de quarante hommes y entrerent. Alors Antonio de Faria ſortit de deſſous le demy