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Voyages Aduentureux

Thrône du monde admettoit en ſon lict & à ſa table, comme membres vnis à ſa perſonne, par le moyen de l’honneur, du commandement, & du pouuoir qu’il leur donnoit, auec penſion de cent mille Taeis ; Antonio de Faria le remercia grandement de cette offre, & s’en excuſa auec des compliments à leur mode, diſant qu’il n’eſtoit pas capable de ſi grandes faueurs que celles dont il le vouloit honorer ; mais que ſans intereſt d’argent il eſtoit preſt de le ſeruir toutes les fois que les Tutoens de Pequin l’enuoyeroient aduertir. Apres cela ſortant du port de Madel, ou il auoit eſté quatorze iours, il courut toute la coſte de cette contrée pour auoir nouuelles de Coja Acem, à cauſe que c’eſtoit ſon premier deſſein, pour le ſuiet cy-deuant dit, & non pour autre choſe ; tellement que de iour & de nuict il appliquoit à cela ſes principales penſées. S’imaginant donc qu’en ces lieux il le pourroit rencontrer, il s’y arreſta plus de ſix mois auec aſſez de peine & de riſque de ſa perſonne. A la fin il arriua à vne fort belle ville nommée Quangiparu, en laquelle il y auoit des edifices & des temples fort riches. Là il s’arreſta dans le port le iour & la nuict enſuiuans, ſoubs ombre d’eſtre marchand, receuant & acheptant paiſiblement ce que l’on luy apportoit à bord. Et d’autant que c’eſtoit vne ville peuplée de plus de 15000. feux, ainſi qu’on le pouuoit iuger aiſément, le lendemain il fit voile à la pointe du iour, ſans que ceux de la ville en fiſſent aucun compte. Ainſi s’en retournant à la mer, encore que ce fut par vn vent contraire ; en douze iours de faſcheuſe nauigation il viſita tout le riuage des deux coſtez de Sud & du Nord, ſans y remarquer aucune choſe dont il pût profiter, bien que ces côtes fuſſent remplies de petits villages peuplez, depuis deux iuſques à cinq cens habitant. Quelques-vns de ces bourgs eſtoient clos de murs faits de bricque, mais qui n’eſtoient pas capables de les deffendre ſeulement de 30. ſoldats, ioint qu’ils eſtoient tous fort foibles, & n’auoient pour toutes armes que des baſtons endurcis au feu, enſemble quelques coutelas fort courts, & des pauois de planches de pin, peints de rouge & noir ; mais la ſituation de ce païs eſtoit ſous le meilleur & le plus fertil cli-