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de Fernand Mendez Pinto.

chez, que ie cõfeſſe eſtre la cauſe & l’origine de toutes mes infortunes, & tenir de cette meſme puiſſance diuine la force & le courage d’y auoir reſiſté, en m’eſchappant de tant de dangers la vie ſauue : Ie prens pour commencement de ce mien voyage, le temps que i’ay paſſé en ce Royaume de Portugal, & dis qu’apres y auoir veſcu iuſques à l’âge de dix ou douze ans, en la miſere & pauureté de la maison de mon pere, dans la ville de Monte-mor Ouelho, vn mien Oncle deſireux de m’auancer à vne meilleure fortune, que celle où i’eſtois reduit alors, & me dérober aux careſſes & aux mignardiſes de ma mere, me mena en cette ville de Lisbonne, où il me mit au ſeruice d’vne Dame de maiſon & de parenté tres illuſtre. A quoy il fut pouſſé par l’eſperance qu’il eut, que par la faueur d’elle meſme & de ſes parens, il pourroit paruenir à ce qu’il deſiroit pour mon aduancement. Ce qui aduint en la meſme année, en laquelle dans la ville de Lisbonne ſe fit la pompe funèbre du defunt Roy Dom Emanuel d’heureuſe memoire, qui fut le iour de Saincte Luce, treiſieſme Decembre de l’année 1521, ce qui eſt la choſe la plus ancienne dont ie me puiſſe reſſouuenir. Cependant l’intention de mon oncle eut vn ſuccez tout à fait contraire à ce qu’en ſon imagination il se promettoit en faueur de moy. Car ayant eſté au ſeruice de cette Dame enuiron vn an & demy, il me ſuruint vne affaire qui me mit en vn manifeſte danger de ma vie. Tellement que pour m’exempter de la mort, ie fus contraint d’abandonner ſon logis auec toute la diligence qui me fut poſſible : Mais comme i’eſtois en fuite, la peur me talonnoit de telle ſorte que ie ne ſçauois quelle route prendre, ny meſme où i’allois pour lors. Et ſans mentir ie n’eſtois pas moins troublé que celuy qui void la mort preſente à ſes yeux, & s’imagine d’en eſtre ſuiui. Comme ie fuyois de cette ſorte, & ſemblois deſeſperer de ma vie, i’arriuay inſenſiblement au gay de Pedra, qui eſt vn petit Port ainſi nommé. Là ie trouuay vne Carauelle d’Alfama, qui eſtoit chargée de cheuaux, & du bagage d’vn Seigneur qui s’en alloit à Setuual, où tenoit ſa Cour