Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
de Fernand Mendez Pinto.

pres de la terre, au lieu que pous cet effet on luy auoit preparé, il fiſt ſa ſalue auec quantité de fort bonne artillerie. A quoy tous les autres vaiſſeaux, Iuncos & Barques, dont nous venons de parler reſpondirent incontinent tous par ordre, choſe vrayement agreable, & dont les marchands Chinois eſtoient ſi fort eſtonnés, qu’ils nous demandoient ſi cét homme à qui l’on faiſoit tant d’honneur & vne ſi belle reception, eſtoit frere ou parent de noſtre Roy ? & pourquoy l’on faiſoit toutes ces choſes ? A quoy quelques Courtiſans reſpondirent, que ſon pere ferroit les Cheuaux que le Roy de Portugal montoit, qu’à cauſe de cela on luy rendoit tous ces honneurs. Au reste, adiouſterent-ils, tous tant que nous ſommes icy ie ne ſçay ſi nous ne pourrions eſtre ſes valets, & luy ſeruir ſeulement d’eſclaues : cependant les Chinois prenant ces paroles pour des pures verités, ſe regardoient les vns ſur les autres, par maniere d’eſtonnement, & s’entrediſoient, ſans mentir il y a de grands Roys au monde, dont nos anciens Hiſtoriens n’ont iamais eu cognoiſſance pour en traitter dans leurs eſcrits, & il ſemble que celuy de qui l’on deuroit faire plus d’eſtat, c’eſt le Roy de ces Portugais : car de la façon que l’on nous parle de ſa grandeur, il faut qu’il ſoit plus riche, plus puiſſant, & plus grand en terre, en ſubiets & en eſtats, que n’eſt ny le Tartare, ny le Cauchin, ce qui eſt aſſez manifeſte, puiſque le fils de celuy qui ferre ſes cheuaux, ce qui n’eſt qu’vn meſtier ordinaire fort meſpriſé de tous les Roys de la terre, eſt ſi reſpecté de tous ceux de ſa nation ; ſurquoy vn autre qui oyoit ainſi parler ſon compagnon ; certainement, diſoit-il, ce Prince eſt ſi grand, que ſi ce n’eſtoit vn blaſpheme on le pourroit preſque comparer au fils du Soleil, Lyon couronné au throſne du monde. A quoy tous les autres qui eſtoient à l’entour, adiouſtoient, cela ſe deſcouure aſſez par les grandes richeſſes que cette nation barbuë s’acquiert generalement par toute la terre, par la force des bras armés, auec leſquels ils font des affronts à tous les autres peuples du monde. Cette ſalue eſtant finie de part & d’autre, il arriua au bord du Iunco d’Antonio de Faria vne Lanteaa de Rame fort bien equippée, & toute couuerte de branches de chaſtaignier auec leurs