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Voyages Aduentureux

bonnes murailles, auec leurs coridors à l’entour. Là tout aupres ſe voyoit au dehors vne maiſon fort longue, ayant au dedans de chaque coſté trente fourneaux, où l’on fondoit quantité d’argent qu’on y apportoit par charettes, d’vne montagne qui eſtoit à cinq lieuës de là, nommée Tuxenguim. Les Chinois nous aſſeurerent qu’en cette maniere trauailloient continuellement plus de mille hommes à tirer l’argent, & que le Roy de la Chine en auoit de reuenu tous les ans enuiron cinq mille Picos. Sur quoy nous furent racontées pluſieurs autre particularitez fort curieuſes que ie n’eſcris point icy pour euiter la prolixité. Nous partiſmes de ce lieu preſqu’à Soleil couché, & arriuaſmes le lendemain ſur le ſoir entre deux petites villes, tant ſeulement eſloignées d’enſemble d’vn quart de lieuë, qui eſt la largeur de la riuiere. L’vne ſe nommoit Pacano, l’autre Nacau ; & encore que toutes deux fuſſent petites, elles eſtoient neantmoins fort belles & bien murées d’vne belle grande pierre de taille, ioinct qu’il y auoit force Temples qu’ils nomment Pagodes, tous dorez auec quantité d’inuentions de clochers, & de giroüettes fort riches & de grande deſpence ; choſe aſſez belle & agreable à voir. Auſſi me ſemble t’il n’eſtre pas hors de propos de rapporter en ce lieu ce qu’on nous y raconta de ces deux villes, & que i’oüy dire depuis, afin qu’on ſçache par là l’origine & le fondement de cet Empire de la Chine, dequoy les anciens Eſcriuains n’ont rendu aucune raiſon iuſqu’à maintenant. Il eſt eſcrit en la premiere Chronique des huictante qui ont eſté faites des Roys de la Chine, chapitre treizieſme, comme ie l’ay ouy dire pluſieurs fois. Que ſix cent trente-neuf ans apres le deluge il y eut vn païs qui s’appelloit alors Guantipocau, lequel, à ce qu’on en peut iuger par la hauteur du climat où il eſt ſitué, doit eſtre à ſoixante deux degrez du coſté du Nord, & aboutit derriere noſtre Allemagne. En ce païs viuoit en ce temps là vn Prince appellé Turbano, de qui les terres n’eſtoient pas de grande eſtenduë. L’on dit de luy qu’eſtant ieune garçon il eut trois enfans d’vne femme nommée Nancaa, pour qui il auoit vne extreme affection, bien que la Royne ſa mere, qui eſtoit vefue en fuſt