Aller au contenu

Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/347

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
de Fernand Mendez Pinto.

grandement deſplaiſante. Ce Roy eſtant ſollicité de ſe marier par les principaux de ſon Eſtat, s’en excuſoit touſiours, alleguant pour cet effect quelques raiſons que les ſiens ne prenoient point pour eſtre valables. Au contraire incités plus fort par ſa Mere ils s’obſtinerent en leur pourſuitte, & le preſſerent iuſqu’à ce poinct, que luy s’en excuſant donna bien à cognoiſtre qu’il ne penſoit à rien moins qu’à cela. Auſſi toute ſon intention eſtoit de legitimer ſon fils aiſné, qu’il auoit eu de Nancaa, & de luy laiſſer ſon Royaume meſme, ce qui fut cauſe qu’il ſe mit depuis en religion dans vn Temple appellé Giſon ; qui ſemble auoir eſté l’Idole d’vne certaine ſecte que les Romains ont euë en leur temps, & qui eſt encore à preſent en cet Empire de la Chine, du Iappon, de Cauchenchina, de Cambaio, & de Siam ; dequoy i’ay veu pluſieurs Temples en ce païs. Cependant ce Prince ayant declaré que c’eſtoit là ſa derniere volonté, la Royne ſa mere qui eſtoit vefue pour lors, & aagée de cinquante ans, n’y voulut point conſentir, diſant, que puis qu’il eſtoit ainſi que ſon fils vouloit mourir en cette Religion dont il auoit fait profeſſion, & laiſſer le Royaume ſans heritier legitime, elle eſtoit d’auis de remedier à ce deſordre. Comme en effet elle ſe maria tout incontinent à vn ſien Preſtre appellé Silau, aagé de vingt-ſix ans, & le fit proclamer Roy bien que pluſieurs s’y oppoſaſſent. Cela ne fut pas ſi toſt fait que Turbano en eut aduis, & ſçachant que la Royne ſa mere ne s’eſtoit portée à cela que pour fruſtrer ſon fils de l’heritage qu’il luy vouloit donner, & l’exclore de ſon teſtament, il ſortit hors de Religion auec deſſein de reprendre poſſeſſion de ce qu’il auoit laiſſé ; à quoy il employa toute force de trauail diligence. Sur ces entrefaites la Royne, mere du Prince, & Silau auec qui elle eſtoit nouuellement mariée, apprehendants que ſi cette affaire alloit plus auant, elle ne fuſt cauſe de la mort de tous deux, aſſemblerent ſecrettement quelques vns de ceux qui eſtoient de leur party, qui furent, à ce que l’on tient, iuſques au nombre de trente hommes de cheual, & quatre vingts de pied. Auec ces forces ils s’en allerent vne nuict dans la maiſon où eſtoit Turbano, & le tuerent auec les ſiens.