Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
338
Voyages Aduentureux

mention cy-deuant. On lict au cinquieſme liure de la ſituation de tous les lieux remarquables de cet Empire, ou de cette Monarchie (car pour en dire le vray, il n’eſt point de ſi grand nom qu’on ne luy puiſſe bien attribuer) qu’vn Roy appellé Criſnagol Dicolay, qui ſelon la ſupputation de ce liure, & la façon de conter du païs, regna en l’année du Seigneur cinq cens vingt-huict, vint à faire la guerre contre le Tartare pour quelques differents qu’il eut auec luy ſur l’Eſtat de Xenxinapau, qui ſe borne du Royaume de Lauhos, & combatit ſi vaillamment qu’il deffit ſon armée, & demeura maiſtre du Camp. Ce que voyant le Tartare il ramaſſa de plus grandes forces qu’auparauant, par le moyen d’vne ligue & d’vne alliance qu’il fit auec d’autres Roys ſes amis, par l’aſſiſtance deſquels huict ans apres, il s’en alla derechef attaquer le Royaume de la Chine, où l’on tient qu’il priſt trente & deux villes fort remarquables, dont la principale fut celle de Panquilot. A lors l’apprehenſion qu’eut le Chinois de ne ſe pouuoir defendre, l’obligea de faire vn traitté de paix auec luy à certaines conditions, moyennant leſquelles il ſe deſiſta du droit duquel il eſtoit queſtion, & luy donna plus de deux mille Picos d’argent pour la paye des eſtrangers qu’il auoit auec luy. De cette façon les choſes demeurerent paiſibles par l’eſpace de cinquante-deux ans, ſelon ce qu’en dit la meſme Hiſtoire. Cependant le Roy qui regnoit pour lors à la Chine, apprehendant qu’à l’aduenir le Tartare venant à ſe liguer auec d’autres Princes, auſquels il ne pût reſiſter, ne luy fiſt le meſme qu’auparauant, ſe reſolut d’y faire baſtir vne muraille qui ſeruiſt comme de frontiere à ces deux Empire. Pour cét effet ayant assemblé tous ſes Eſtats generaux, il leur declara cette ſienne reſolution, qui fut à l’inſtant approuuée, & meſme eſtimée fort neceſſaire ; tellement que pour l’aſſiſter à venir à bout d’vne entrepriſe ſi importante à ſon Eſtat, ils luy donnerent dix mille Picos d’argent, qui valent à noſtre compte quinze millions d’or à raiſon de quinze cens ducats chaque Pico ; ioint qu’outre cela ils luy entretindrent deux cens cinquante mille hommes pour y trauailler, dont il y en auoit trente mille deputez