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Voyages Aduentureux

gueur de trois cens quinze lieuës que contient cette fortification, il n’y a pas dauantage de cinq entrées par où paſſent les riuieres de Tartarie qui ſe forment des impetueux torrens qui deſcendent de ces montagnes, & faiſant plus de cinq cens lieuës dans le païs ſe vont rendre dans les mers de la Chine & de Cauchenchina. Il eſt vray qu’vne de ces riuieres, pour eſtre plus groſſe que les autres ſe va rendre par la barre de Cuy au Royaume de Sournau, appellé vulgairement Siam. Or en toutes ces cinq aduenuës le Roy de la Chine y tient vne garniſon, & celuy de Tartarie vne autre, en chacune deſquelles le Chinois entretient ſept mille hommes, & leur donne vne grande paye, dont il y a ſix mille hommes de cheual, les autres ſont tous gens de pied ; la pluſpart de ces hommes de guerre ſont eſtrangers, comme Mogores, Pancrus, Champaas, Coraçones, Gizares de Perſe, & autres de nations differentes, qui ſont limitrophes de cét Empire, & leſquels moyennant les gros gages qu’ils reçoiuent ſeruent les Chinois, qui pour en dire le vray, ſont peu courageux pour n’eſtre accouſtumez à la guerre ; ioint qu’ils n’ont pas beaucoup d’armes ny d’artillerie. En toute cette longueur de muraille il y a trois cens vingt compagnies, chacune de cinq cens ſoldats, ce qui fait en tout cent ſoixante mille hommes, ſans y comprendre les Officiers de Iuſtice, des gardes, des Anchacys, des Chaems, & autres telles perſonnes neceſſaires au gouuernement, & à l’entretien de ces gens de guerre. Tous ceux-y ioints enſemble, à ce que nous en ont dit les Chinois, font le nombre de deux cens mille hommes que le Roy nourrit ſeulement à cauſe que la pluſpart ſont tous criminels, condamnez aux reparations & au trauail de cette muraille, comme ie diray plus amplement quand ie viendray à parler de la priſon deſtinée pour cet effet qui eſt dans la ville de Pequin, ce qui eſt encore vn autre edifice fort remarquable & d’admirable grandeur, dans lequel il y a continuellement plus de trois cens mille priſonniers, la pluſpart de dix-huict à quarante-cinq ans, tous deſtinez à trauailler à cette muraille. Or entre ceux-cy il y en a pluſieurs nobles d’extraction, grandement riches, & de qua-