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Voyages Aduentureux

prendrez de mon Ambaſſadeur Fingeandono, par lequel ie vous prie de me faire part liberalement des bonnes nouuelles de voſtre perſonne, & de celles de ma fille, puis que vous ſçauez qu’elle eſt le ſourcil de mon œil droit, de qui la veuë eſt toute la ioye de mon viſage. De la maiſon de Fucheo, le ſeptieſme mamoque de la Lune. Apres que le Nautaquin eut leu cette lettre, le Roy de Bungo, nous dit-il, eſt mon Seigneur & mon oncle frere de ma mere, & ſurtout il eſt mon bon pere, car ie l’appelle de ce nõ, pource qu’il l’eſt de ma fẽme ; ce qui eſt la cauſe qu’il ne m’ayme pas moins que ſes enfans. C’est pourquoy ie m’eſtime ſi fort ſon obligé, & deſire tellement de luy plaire, que ie ſerois content maintenant de donner la meilleure partie de mon bien, afin que Dieu me trans formaſt en vn de vous, tant pour m’en aller vers luy, que pour luy donner le contentement de vous voir, & que ie ſçay aſſeurément que du naturel dont il eſt, il le priſera plus que tous les threſors de la Chine. Puis donc que ie vous ay fait ſçauoir quelle eſt ſa volonté, ie vous prie infiniement de vous y vouloir rẽdre conformes, & qu’vn de vous deux prẽne la peine de s’en aller à Bungo, pour y voir ce Roy que ie tiens pour mon pere & pour mon Seigneur ; car pour le regard de cet autre, à qui i’ay dõné le nom & l’eſtre de parent, ie ne deſire point l’eſloigner de moy iuſques à ce qu’il m’ait appris à tirer comme luy. Alors Chriſtofle Borralho & moy grandement ſatiſfaits de la courtoiſie du Nautaquin, luy fiſmes reſponſe que nous baiſions les mains à ſon Alteſſe, pour le grand honneur qu’il nous faiſoit de ſe vouloir ſeruir de nous, & que puis que ſa volonté eſtoit telle, qu’il choiſiſt pour cet effet celuy que bon luy ſembleroit d’entre nous, qu’il ne manqueroit point tout auſſi-toſt de ſe tenir preſt pour ce voyage. À ces mots s’eſtant monſtré vn peu penſif au parauãt que faire cette eſlection, il me monſtra moy, & me regardant, Ie ſuis d’aduis, reſpondit-il, d’y enuoyer cettuy-cy, pource qu’il me ſẽble eſtre moins poſé & d’vne humeur plus gaillarde, à quoy ceux du Iappon ſe plaiſent infinimẽt, joint que par ce moyen il pourra mieux deſennuyer le malade, parce que la trop ſerieuſe grauité de cet autre, dit-il, ſe tournant vers Borralho, bien que grandement loüable pour les choſes les plus importantes,