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Voyages Aduventureux

cipalement quand ils voyent qu’il n’y a que quatre ou cinq perſonnes, & la coule à fonds auec leurs queuës, afin d’en manger les hommes, qu’ils aualent tous entiers, ſans les démembrer. Nous viſmes auſſi en ce lieu-là vne eſtrange eſpece d’animaux, qu’ils appellent Caqueſſeitan. Ils ſont de la grandeur d’vne grosse Oye, fort noirs, & eſcaillez ſur le dos, auec vn rang de pointes aiguës, qu’ils ont ſur l’eſchine, & qui ſont de la longueur d’vne plume à eſcrire. Dauantage, ils ont des aiſles ſemblables à celles des chauue-ſouris, le col fort long, & ſur la teſte vn petit os, fait comme vn argot de coq, auec vne queuë fort longue, ſemée de tâches noires & vertes, comme les lezars de ce païs. Ces animaux ſautent & volent enſemble, ainſi que les ſauterelles, & de cette façon ils vont à la chaſſe des Singes, & de telles autres beſtes, qu’ils pourſuiuent iuſques au plus haut des arbres, & s’entretiennent de cette chaſſe ordinairement. Nous y apperceuſmes auſſi des couleuures chaperonnées, groſſes comme la cuiſſe d’vn homme, & ſi venimeuſes, que les Negres du païs nous diſoient que ſi leur vent touchoit quelque choſe viuante, elle mouroit à meſme temps, ſans qu’il y euſt moyen d’y mettre remede, quelque antidote qu’on y appliquaſt. Nous en viſmes encore d’autres, qui n’eſtoient pas chaperonnées, ny ſi venimeuſes que les precedentes, mais beaucoup plus groſſes & plus longues ; ioinct qu’elles auoient la teſte de la groſſeur d’vn veau. L’on nous dit que celles-cy vont à la chaſſe de cette ſorte. Elles montent ſur les arbres ſauuages, dont il y en a dans ce païs vn aſſez bon nombre, & entortillans quelque branche auec la pointe de leur queuë, elles laiſſent pendre leur corps en bas. Par meſme moyen mettant leur teſte sur l’herbe au pied de l’arbre, elles appuyent contre terre vne de leurs aureilles, afin que par cét artifice elles puiſſent ouïr ſi quelque choſe remuë durant la tranquillité de la nuit. Que ſi de hazard vn bœuf, vn ſanglier, ou quelqu’autre animal vient à paſſer par deſſous l’arbre, ou prés d’iceluy, elles le saiſiſſent auec leur gueule ; & dautant qu’elles ont deſia leur queuë arreſtée en haut à la branche de l’arbre, elles n’attrappent choſe quel-