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Page:Les voyages advantureux de Fernand Mendez Pinto.djvu/77

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de Fernand Mendez Pinto.

diſoit-on que ceſte armée eſtoit compoſée de 5000. hommes Luſſons & Sornes, tous gens d’eſlite, & qui auoient pour General vn Turc nommé Hametecam, nepueu du Bacha du Caire. Là deſſus le Roy des Batas faiſant ſon profit de ceſte confeſſion des peſcheurs, prit reſolution de ſe retirer en quelque façon que ce fuſt, iugeant bien que le temps ne luy permettoit pas d’attendre vne ſeule heure, tant pource que les forces de ſon ennemy eſtoient beaucoup plus grandes que les ſiennes, que pour le ſecours qu’ils attendoient de Pedir, & de Pazen, où l’on diſoit pour certain qu’il y auoit dix Nauires pleins d’Eſtrangers. Ainſi ce Roy ne fut pas ſi toſt fortifié en ceſte reſolution, que la nuict ſuiuante il partit fort triſte, & fort mal content du mauuais ſuccés de ſon entrepriſe, en laquelle il auoit perdu plus de trois mille cinq cens hommes, ſans y comprendre, ny les bleſſez qui eſtoient en plus grand nombre, ny ceux qui auoient eſté bruſlez du feu de la mine. Cinq iours apres ſon partement il arriua à Panaaju, où il congedia tous ſes gens, tant ceux du pays que les Eſtrangers ; cela fait, il s’embarqua dans vne petite Lanchare, & s’en alla à mont la riuiere, ſans auoir pour toute compagnie que deux ou trois de ſes fauoris. Auec ce peu de fuite il ſe rendit en vn lieu nommé Pachiſſaru, où ſi toſt qu’il ſe fut rendu, il s’enferma quatorze iours, en maniere de neufuaine, dans le Pagode d’vne Idole, que l’on appelloit Ginnaſſereo, qui ſignifie Dieu de Triſteſſe. À ſon retour à Panaaju il m’enuoya querir auec le Mahometan, qui conduiſoit la marchandiſe de Pedro de Faria. La premiere choſe qu’il fit fut de s’enquerir particulierement de luy ſi la vente en auoit eſté bonne, adiouſtant que s’il luy en eſtoit deu encore quelque choſe, il commanderoit qu’on le payaſt à l’instant. À cela le Mahometan & moy fiſmes reſponſe que tout s’eſtoit bien porté, moyennant la faueur de ſon Alteſſe, & que nous eſtions fort ſatisfaicts de ce que nous auions vendu. Qu’au reſte le Capitaine de Malaca ne manqueroit point de reconnoiſtre ceſte courtoiſie, luy enuoyant du ſecours pour le venger de ſon ennemy le Roy d’Achem, à qui il feroit bien rendre toutes les terres qu’il auoit iniuſtement vſurpées sur luy.